Smartphones dans l’entreprise: un défi pour l’IT
Comparé au monde sous contrôle des postes de travail, l’actuelle prolifération des smartphones dans l’entreprise fait figure de cauchemar pour les administrateurs IT. Pourtant, à condition d’adopter une stratégie claire, des moyens de gestion existent, allant de l’imposition d’un modèle à l’utilisation de plateformes multi-OS.
La frontière entre vie privée et activités professionnelles ne cesse de s’estomper. Publier rapidement une mise à jour sur un réseau social depuis le bureau ou consulter ses e-mails professionnels pendant ses loisirs sont des usages de plus en plus communs chez les cols blancs affublés aujourd’hui couramment de l’étiquette de knowledge workers. Difficile de décider si la disponibilité de nouveaux terminaux multifonctions comme les smartphones est la cause ou la conséquence de ces pratiques. Difficile également de juger si elle est source de gains ou de pertes de productivité. Quoi qu’il en soit, cette évolution, qui se traduit par une consumérisation de l’informatique professionnelle, est sans doute le principal défi posé aujourd’hui aux responsables de la gestion des postes clients des entreprises.
Entre interdiction et laisser-faire
L’utilisation professionnelle de téléphones portables, en particulier pour lire ses e-mails, n’est pas nouvelle. Nombre d’entreprises ont déployé depuis des années des appareils BlackBerry pour leurs cadres - un système alors totalement pionnier. La différence aujourd’hui est que l’initiative vient des collaborateurs – cadres et autres – et que ceux-ci demandent bien souvent le support de fonctionnalités business pour un smartphone qu’ils ont par ailleurs acheté à titre privé. Ainsi, dans un sondage de Crowd Science datant de 2009, 71% des détenteurs de smartphone déclaraient l’utiliser à la fois à titre personnel et professionnel. En outre, les appareils en vogue actuellement – les smartphones pourraient représenter plus de la moitié des ventes de portables cette année – ouvrent la voie à de nouveaux usages mobiles qui ne se limitent pas aux e-mails. Ces changements conduisent de plus en plus d’entreprises à réfléchir sérieusement à la meilleure manière d’intégrer ces nouveaux terminaux. Selon une enquête d’IDG, le souhait des collaborateurs d’avoir accès à des données en temps réel est la première raison pour laquelle les entreprises développent une stratégie mobile, à égalité avec la hausse de productivité espérée. En effet, un refus systématique de toute utilisation professionnelle des smartphones semble une position de moins en moins tenable. Mais un laisser-faire généralisé n’est pas non plus une option si l’on considère que les données et applicatifs utilisés ont une valeur concurrentielle. Entre ces deux attitudes extrêmes, les possibilités sont multiples: L’entreprise achètera-t-elle elle-même les smartphones? Quelles sont les contraintes de sécurité? Quels appareils et quelles fonctions seront gérés ou autorisés? Parmi les tâches de support, lesquelles incomberont au collaborateur et lesquelles au département IT? Quels services managés sont disponibles?
Un seul modèle de smartphone?
Ces différentes questions sont liées. Difficile par exemple d’imposer un seul modèle d’appareil dès lors que l’on en confie l’achat et le support au collaborateur. Une stratégie possible consiste pour l’entreprise à acquérir elle-même des smartphones du même modèle. Cette approche est encore privilégiée par de très nombreuses sociétés qui misent sur le système BlackBerry (voir graphique). Héritée de ce qui se fait la plupart du temps pour les postes clients avec Windows, cette manière de faire présente plusieurs avantages. En premier lieu, la gestion du parc d’appareils peut se faire plus simplement avec les outils et services du fabricant, sans l’ajout d’une couche applicative – pour autant que les contraintes de management et de sécurité soient respectées. Sur ce point, Apple a comblé une partie du retard sur ses concurrents en dotant la quatrième version d’iOS de fonctionnalités telles que le cryptage d’e-mails, la suppression des données à distance ou encore la configuration automatique de l’iPhone aux normes de l’entreprise. Autre avantage, la satisfaction des employés qui se voient offrir l’appareil. C’est d’ailleurs le choix qu’a fait la filiale suisse de la société IT Logica qui a décidé de fournir un iPhone à chacun de ses collaborateurs (cadres, consultants, back-office) en négociant un achat groupé à Swisscom. Un modèle qui permet aussi de déployer des applicatifs sans se soucier de l’OS explique Sébastien Fabbri, Responsable Architecture d’Entreprise et Solutions Mobiles chez Logica. L’iPhone gagne d’ailleurs en popularité chez les entreprises choisissant de se limiter à un seul smartphone. Et leurs collaborateurs ne vont pas se plaindre. Selon un sondage d’iPass, plus de la moitié des détenteurs de BlackBerry opteraient pour un iPhone si leur employeur le leur permettait.
Cette politique consistant à fournir et à gérer les smartphones des collaborateurs n’a toutefois pas que des avantages. Outre l’investissement de départ, elle conduit à une augmentation des dépenses de support, les appareils étant naturellement considérés comme une extension de l’infrastructure IT de l’entreprise. Elle ne tire pas non plus parti de la disposition croissante des collaborateurs à s’acheter eux-mêmes leur smartphone et à assumer son support usuel.
Plateforme multi-appareils
L’autre option en matière de stratégie mobile est de laisser les collaborateurs apporter leur smartphone dans l’entreprise et de leur donner accès à certaines données et applications. Un choix opéré par toujours plus de sociétés, selon Forrester Research. «Une décision qui a parfois pour origine un audit des accès grâce auquel les administrateurs IT réalisent que les collaborateurs usent d’autres modèles que celui qui est préconisé par la société», souligne Damien Heitzmann, responsable des offres de gestion des mobiles chez Orange Business Services à Paris. Ce choix requiert toutefois une plateforme logicielle à même de gérer et de sécuriser plusieurs types d’appareils avec des systèmes d’exploitation différents. Dans un rapport récent, Forrester dénombre un vingtaine d’éditeurs – fabricants de smartphones compris – offrant des applications pour gérer plusieurs OS, dont Android, BlackBerry, iOS, Symbian et Windows Mobile. Avec ces solutions les entreprises peuvent supporter divers modèles de téléphones achetés par leurs collaborateurs, un critère de décision important pour 59% des entreprises, selon un sondage d’IDG.
L’avantage prédominant de smartphones achetés par les collaborateurs à titre privé se situe au niveau du support. La Bâloise qui s’est équipée d’une plateforme multi-OS de Sybase ne s’en cache pas. Entre 2007 et 2010, ses coûts opérationnels par appareil sont passés d’environ 480 francs à moins de 70 francs par an et ceci grâce à deux facteurs. Tout d’abord, l’équipe support de l’assureur ne s’occupe plus que des aspects liés aux fonctionnalités business (e-mail et synchronisation de données), tandis que les collaborateurs s’occupent directement des autres problèmes. Deuxième facteur, l’introduction d’un portail de self-service qui permet aux employés de facilement annoncer, configurer et gérer la synchronisation de leur appareil.
Les fonctionnalités de gestion des smartphones
Outre la question des systèmes d’exploitation mobiles supportés, le choix d’une plateforme de gestion des mobiles repose également sur les fonctionnalités offertes et leur capacité à remplir les contraintes de contrôle et de sécurité de l’entreprise. Selon Forrester Research, certaines de ces fonctions désormais considérées comme standard sont proposées par la plupart des logiciels: gestion de la configuration, gestion de la sécurité (mots de passe, effacement des données à distance, cryptage), console centralisée, détection et résolution de problèmes over-the-air, gestion des actifs et reporting, gestion des applicatifs (déploiement, mises à jour). L’institut estime par ailleurs que d’autres fonctionnalités sont appelées à jouer un rôle toujours plus important, à l’instar de la prise en main de l’appareil à distance, de la récupération du smartphone (device recovery) ou encore des portails self-service pour réduire les coûts de support.
Enfin, quel que soit le périmètre applicatif proposé aux collaborateurs et quelle que soit la stratégie de support de leurs smartphones, l’entreprise peut sous-traiter cette gestion à un prestataire IT. Selon Damien Heitzmann d’Orange Business Services, de plus en plus d’entreprises optent pour ce genre de solution externalisée aussi bien pour gérer un seul système (typiquement BlackBerry) que plusieurs types d’appareils.
Au-delà de l’e-mail
Une autre question qui se pose pour les entreprises est le périmètre des fonctionnalités business proposées, un choix intimement lié aux aspects sécuritaires. Les sociétés commencent généralement par introduire des fonctions de synchronisation de courriels et de données personnelles (calendrier, contacts). Selon IDC, l’utilisation professionnelle de l’e-mail devrait croître de plus de 36% par an ces prochaines années. Par la suite, de nouvelles demandes plus ciblées émanent souvent du business, typiquement l’accès à des données de CRM et d’état des stocks pour les équipes commerciales. Pour y répondre, les départements IT ont plusieurs possibilités, la première étant de développer une application mobile spécifique ou d’utiliser une version mobile proposée par l’éditeur – une option viable dès lors que le parc de smartphones est homogène, si possible même réduit à un seul modèle. C’est la méthode retenue par Logica Suisse pour déployer entre autres un applicatif «maison» permettant à ses consultants de saisir et de synchroniser les heures effectuées auprès des clients. Une seconde option est l’utilisation d’un client VPN sécurisé pour accéder au réseau de la société ou d’un client virtuel pour accéder à ses applicatifs. Enfin, la solution la plus simple est sans doute l’emploi d’une application web disponible via internet et si possible optimisée pour les écrans mobiles. Une troisième voie destinée à se populariser étant donné l’essor actuel des SaaS. Les éditeurs ne s’y trompent pas: développer une version mobile ou en ligne de leur logiciel est un argument de vente de plus en plus important. Si Edipresse s’est par exemple décidé récemment pour le CRM de Salesforce.com, c’est entre autres parce qu’il était immédiatement disponible pour les utilisateurs de smartphones.
Des solutions forcément temporaires
L’intégration des smartphones dans l’entreprise pose donc un grand nombre de défis aux départements IT contraints de trouver un compromis entre la productivité des collaborateurs, leur satisfaction et les contraintes légitimes de contrôle et de sécurité. De plus, malgré la popularité de l’iPhone, en particulier en Suisse, il est prématuré de tabler sur une uniformisation des systèmes d’exploitation mobiles analogue à celle qui existe pour la place de travail avec Windows. Des études récentes prédisent ainsi un succès croissant pour Android – un système qui pourrait causer davantage de soucis aux responsables IT étant donné l’hétérogénéité des appareils utilisant cet OS. Entre les multiples options qui s’offrent à eux, les responsables IT n’ont au final d’autre choix que de choisir une solution pragmatique – forcément temporaire et imparfaite – répondant au mieux aux besoins actuels de l’entreprise et des collaborateurs.
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