Créer les conditions cadres

Comment le cloud modifie-t-il le fonctionnement des infrastructures TIC?

| Mise à jour
par Daniel Liebhart

Pour que le cloud computing, une variante d’accès aux fonctionnalités d’applications et à la puissance de calcul, puisse être considéré comme une sérieuse alternative aux prestations informatiques courantes, il convient de créer des conditions-cadre organisationnelles et techniques.

Daniel Liebhart est Solution Manager chez Trivadis, professeur à la Haute école technique de Zurich et auteur de différents ouvrages spécialisés.
Daniel Liebhart est Solution Manager chez Trivadis, professeur à la Haute école technique de Zurich et auteur de différents ouvrages spécialisés.

Le cloud computing est la nouvelle manière d’utiliser la technologie de l’information au 21e siècle. Une ressource globale et universelle, à laquelle il est possible d'accéder en tout lieu et à toute heure. Les scientifiques australiens du GRIDS Laboratory à Melbourne sont convaincus que les services informatiques proposés sur le cloud peuvent être fournis comme des ressources telles que l’eau ou l’électricité. Avec l’introduction de son initiative Blue Cloud, il y a trois ans, IBM avait déjà annoncé que le nouveau modèle permettrait l’accès global aux applications, à partir de n’importe quel appareil. Salesforce, Amazon, Google, Microsoft, Oracle et d’autres lui ont emboité l'an dernier le pas avec de nouvelles offres proposant des services virtualisés, sous le nom de cloud computing.

Dans le cloud, il est possible de recourir aux fonctionnalités d’application et à la puissance de calcul sous forme d’un service global disponible, proposant une tarification à l'usage. Le cloud computing peut donc être considéré comme le résultat du développement du grid computing (grille informatique) visant à résoudre la problématique liée à des applications gourmandes en puissance de calcul et en données, via l’utility computing, une offre de services dosables, jusqu’au Software-as&Service, permettant de proposer des applications auxquelles les utilisateurs peuvent s’abonner. Le principal avantage du cloud computing réside dans l’économie d’échelle. Les grands centres de calcul mettent des ressources à disposition, pouvant être exploitées de manière très efficiente grâce au grand nombre de serveurs qu’ils opèrent. Les entreprises qui nécessitent seulement une puissance de calcul ponctuelle profitent de cette dernière pour quelques francs à l’heure si besoin est, au lieu de posséder un serveur fonctionnant en permanence et coûtant en moyenne 1500 francs par mois.

Le cloud aujourd’hui

Selon une enquête réalisée par Experton Group, le cloud computing est employé dans des entreprises occupant plus de 1000 collaborateurs dans cinq domaines: virtualisation, SaaS, back-up, applications web et applications mobiles. En Suisse, il n’existe pas encore de chiffres fiables sur la mise en œuvre effective du cloud computing. Les analystes présument que 10% (Gartner) à 12% (Merryl Lynch) des dépenses liées aux prestations informatiques sont consacrées aux services cloud. La réalité helvétique semble pourtant tout autre. Quelques rares cas sont connus et ils ne dépassent en aucun cas le seuil de 1 à 2 milliards de francs au total. Ce n’est point un hasard. Pour que les services cloud couvrent systématiquement la fonction de support opérationnel dévolue à l’IT, il est impératif d’amorcer des changements dans la manière de fournir aujourd’hui les prestations informatiques internes.

Les changements nécessaires

Du point de vue d’une entreprise, le déploiement de prestations informatiques à des conditions économiques acceptables est au centre des préoccupations, et non seulement en termes de coûts. Les systèmes informatiques doivent soutenir de manière optimale l'activité de l'entreprise, ils doivent être exploités avec les ressources disponibles, tout en gardant le contrôle sur les investissements. La plupart des entreprises sont toutefois loin d’avoir établi une transparence en termes de coûts et de l’utilité que présente l’informatique au niveau de l’entreprise. La pratique courante du calcul des coûts ne permet pas de les affecter aux services individuels.  Actuellement, la plupart des entreprises adaptent leur organisation informatique à ITIL (IT Infrastructure Library), ou du moins structurent l’ensemble de l’informatique de façon à ce que les services individuels puissent être administrés du matériel au logiciel. A cette fin, une notion de service moderne est établie pour la gestion du service informatique. L’orientation du service vers le client en est un aspect, qui ne signifie rien d’autre que l’achat de la fonctionnalité soutenant son activité. Les conditions-cadre techniques et organisationnelles nécessaires, ainsi que les outils auxiliaires, font partie intégrante d’une prestation de services complète.

L’autre aspect de cette orientation service est l’informatique elle-même et signifie que le service IT, et donc chaque composante individuelle du service informatique, doit être organisé de manière à garantir une capacité de livraison et de maintenance transparente, économique, de qualité élevée, modulaire et donc extensible. Concrètement, un service informatique doit presque impérativement être structuré d’après les best practices ITIL ou la norme ISO20000 – au mieux sur la base d’une combinaison d’ITIL (v2), ITIL (v3) et ISO20000. Une fois un service informatique organisé de la sorte, l’étape suivante consiste à établir une structure des coûts servant de base décisionnelle pour le développement futur de l’IT en tant qu’ensemble de services de soutien à l'entreprise.

Quels sont les changements?

Les changements que le cloud computing apportera dans l’opération quotidienne des infrastructures IT peuvent être illustrés à l’aide d’une comparaison. Bon nombre d’organisations au sein des entreprises sont aujourd’hui structurées dans les domaines infrastructure, stockage, serveur et applications centrales. Des départements sont responsables de l’exploitation des serveurs – souvent subdivisée en activités de support mainframe, midrange et desktop - d'autres s’occupant du stockage, du réseau ou encore de certaines applications centrales comme l’Enterprise Resource Planning (ERP) ou le Customer Relationship Management (CRM). Cette organisation n’est pas adaptée pour transférer différentes parties de l’infrastructure dans un cloud. Sans parler du manque de transparence des coûts. L’investissement effectif pour l’exploitation de chaque service individuel est, dans le meilleur des cas, ventilé en coûts fixes mensuels par serveur, par unité de stockage ou par utilisateur, selon une clé déterminée, reportés ensuite sur les départements qui en bénéficient.
Raison pour laquelle, aujourd’hui, l'informatique décide en général des parties de l'infrastructure IT qui seront déplacées dans un cloud. Et il s’agit actuellement encore de domaines marginaux.

Seule une structuration de l'informatique en services entraînera le changement décisif. Dans des services dont les coûts et les avantages seront déterminés individuellement. Il sera dès lors possible, sur la base de critères objectifs, de décider si certains services peuvent être déployés via l’IT interne, via des services cloud externes, ou encore via une combinaison des deux variantes.

Perspectives jusqu’à 2015

L’infrastructure IT d’une entreprise de l’an 2015 sera organisée comme une collection de services proposés aux clients (les départements de l’entreprise). Ces services seront présentés de manière à faire ressortir aussi bien les avantages que les coûts, permettant ainsi de comparer des offres internes et externes pour le déploiement de ces services. Toute entreprise pourra donc concocter son mélange optimal, vérifier périodiquement la rentabilité de ces services et les adapter rapidement le cas échéant. De nouveaux services pourront être mis à disposition à moindres frais d'investissement. Les services trop coûteux, qui ne sont plus suffisamment utilisés, pourront être remplacés par d'autres offres sans grands remaniements.

 

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