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Application Android: «Les CFF ne sont pas en retard, c’est nous qui avons été rapides»

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par Interview: Marcel Urech

Les amateurs d’Android ont enfin leur application pour les horaires de train, qui a été vendue aux CFF. Entretien avec Jorim Jaggi et Selim Cinek, les deux étudiants de l’EPFZ qui l’ont développée, et avec Harald Horber, Platform Manager Mobile aux CFF.

Quand vous avez commencé à développer l’application horaire, il existait déjà des apps Android pour les CFF. Pourquoi en programmer une nouvelle?

Jaggi: Les applications existantes ne nous convainquaient pas. Leur utilisation était ennuyeuse et je pensais que nous pouvions faire mieux. L’introduction des arrêts était particulièrement pénible: il fallait réintroduire les gares déjà recherchées; il n’y avait pas de liste de favoris; l’application ne faisait pas de proposition à partir de textes partiels.

Pour réaliser ces fonctionnalités, il faut une base de données. Y en a-t-il une ?

Jaggi: Il est malheureusement difficile d’en trouver une en ligne. Au départ, je comptais extraire les données d’OpenStreetMap. Après quelques heures de recherche, j’ai fini par trouver une base de données des arrêts. Ensuite les choses sont allées vite : une semaine plus tard, nous avions une première version alpha. Après deux mois, j’ai invité des connaissances à tester l’application. Après trois mois, la première version était dans l’Android Market.

Cinek: J’ai rejoint assez vite le développement et la première version officielle est sortie en juillet 2010. Nous avons annoncé sa disponibilité dans des forums et publié un article dans «ETH Life». Les CFF se sont intéressés à nous peu de temps après.

Comment les CFF ont-ils réagi?

Horber: Au début, il y avait une controverse quant à savoir si l’on pouvait permettre la publication d’une telle application sans le consentement des CFF. Après réflexion, nous avons rapidement réalisé que la voie légale était une mauvaise approche et nous avons cherché une solution commune.

Jaggi: C’était pour nous une entreprise risquée. Les CFF auraient pu être plus rapides que nous et nous éjecter de la course avec une application officielle. Nous misions sur le fait qu’une grande entreprise n’allait pas rapidement saisir la vague Android. Nous avons pris le risque. Le second danger était que les CFF nous contraigne d’arrêter par voir légale, ce qui n’est heureusement pas arrivé.

Cela fait penser à l’iPhone. Là aussi, il y avait une application inofficielle au départ?

Horbert: C’est juste. Dans le cas de l’iPhone, la société include7 a lancé rapidement une application sur le marché. Là aussi, les CFF ont cherché une collaboration avec les développeurs plutôt que la confrontation. Pour Android, nous nous sommes mis autour de la table avec Jorim et Selim pour tout savoir de l’applicatif et de leurs motivations comme développeurs.

Jaggi: Nous savions que nous étions sur un terrain glissant au niveau juridique et que si nous rendions l’app payante, les CFF allaient attaquer d’autant durement. De plus, il existait d’autres applications gratuites. Il n’aurait donc pas été simple de gagner de l’argent avec une app payante.

Combien de travail y a-t-il derrière l’application des CFF?

Environ 300 heures-hommes. Notre applicatif a plus ou moins 20'000 lignes de code et nous avons créés plus de 100 éléments graphiques. Selim s’est occupé du design et nous avons tous les deux programmé. Samuel Hitz, un autre étudiant de l’EPFZ nous a également aidés.

Au final, vous avez décidé de la vendre. Combien a-t-elle coûté aux CFF?

Horber: C’est un secret. Ce que je peux dire néanmoins, c’est que nous avons aussi évalué des offres de tiers et le développement à l’interne. L’achat était une des options.

La moins chère?

Horber: Non, pas du tout. Il y avait des options plus économiques. Le prix n’a pas été le critère dominant. Notre étalon était l’application iPhone, qui est l’app pour smartphone la plus appréciée en Suisse. L’objectif était clair : si nous lancions une application Android, elle devait être au moins aussi bonne que celle de l’iPhone, sans quoi nous risquions le mécontentement des utilisateurs. Cet objectif atteint, l’achat était proche. Les négociations avec les développeurs ont été captivantes. Dans le package, nous leur avons entre autres offert à chacun une année de stage dans la division e-business des CFF une fois qu’ils auront leur bachelor en poche. Ils font encore des manières, mais dans l’ensemble c’est une situation win-win.

Pourquoi les CFF ont-ils tant tardé à lancer une application Android?

Horber: Nous observons le marché depuis longtemps. Pour nous, Android est devenu intéressant fin 2010, lorsque la plateforme s’est vraiment imposée sur le marché suisse. Avant, avec 2% à 5% de part de marché, Android était un produit de niche. Les CFF doivent atteindre la masse du marché. Il existe d’ailleurs quantité de systèmes d’exploitation.

Jaggi: Les CFF ne sont pas en retard, c’est nous qui avons été rapides. Début 2010, lorsqu’Android était encore un produit de niche, nous avons rapidement réalisé qu’il allait se développer à grande vitesse. C’est aujourd’hui la plateforme mobile qui croît le plus vite,ce qui la rend bien entendu attractive pour les développeurs.

Qu’en est-il de Windows Phone 7?

Jaggi: Lorsque j’ai acheté mon portable, je savais déjà que je voulais développer sur Android. A l’époque Windows Phone 7 n’avait pas encore été annoncé-

Cinek: Nous devons être attentifs au marché. Pour des raisons de temps, nous nous sommes jusqu’à présent concentrés sur iOS et Android. Si Windows Phone 7 devient un marché porteur, nous développerons aussi pour cette plateforme. Nous avons déjà beaucoup d’expérience avec .Net et les langages de programmation Windows ; ce ne serait donc pas un obstacle infranchissable.

Horber: Il faut aussi prendre en compte qu’il n’y a pas eu des files d’attente devant les boutiques la veille du lancement mondial de Windows Phone 7, même si l’interface a beaucoup de style avec ses «tiles». Ceci dit, pour les CFF , qui ont été parmi les premières entreprises suisses à lancer une application Windows Phone 7 en octobre, la collaboration avec Microsoft et ses partenaires de développement est prometteuse, ne serait-ce qu’en raison du partenariat mondial conclu avec Nokia.

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