Etude d'EY: «Digital trends in Swiss watchmaking industry»

Horlogerie: où en est la numérisation du parcours client?

Le cabinet de conseil EY vient de publier une étude détaillée sur la numérisation du parcours client dans le secteur horloger suisse, basée sur les réponses de cadres de la branche. L’enquête montre que les marques horlogères ont une bonne compréhension des opportunités du numérique, mais moins des prérequis techniques, opérationnels et commerciaux qui permettent d’en profiter. Explications avec Julian Segantini et Jean-Marc Chevrot, deux des co-auteurs de l’étude.

Julian Segantini, Director, EY Technology Strategy Lead for Switzerland et Jean Marc Chevrot, Partner, EY Technology Consulting, Head for Romandie.
Julian Segantini, Director, EY Technology Strategy Lead for Switzerland et Jean Marc Chevrot, Partner, EY Technology Consulting, Head for Romandie.

Vous avez analysé l'état de numérisation du parcours client des entreprises horlogères suisses. Dans quelles étapes les marques sont-elles les plus avancées ? Où y a-t-il en revanche encore beaucoup à faire?

En suivant le parcours client de bout en bout, les marques proposent une solide expérience numérique de découverte de leurs collections, même pour celles qui ne vendent pas en ligne. Elles vont au-delà de la simple fiche produit, en offrant des fonctionnalités telles que la visualisation en 3D, la réalité augmentée via smartphone, la configuration avancée des modèles, le contenu photo et vidéo haute-définition. Paradoxalement, ce sont souvent les marques qui ne vendent pas en ligne qui offrent les expériences les plus avancées et abouties.
Ces marques ont bien compris que ces expériences avancées ne se limitent pas aux ventes en ligne, mais constituent également un atout marketing majeur, stimulant l'intérêt des clients potentiels et générant du trafic en boutiques. Le canal web permet une visibilité complète sur les collections et les différentes déclinaisons des modèles, ce qui est impossible en boutique.
Cependant, l'étape du conseil et de l'aide au choix dans le parcours physique reste limitée à quelques outils basiques, tels que les «product finders» proposant des algorithmes simples ou quelques initiatives d'assistants virtuels génériques. Les marques devraient considérer une expérience personnalisée et humaine, permettant aux clients d'accéder rapidement à des conseils en personne capables de présenter les modèles en direct, comme dans une boutique.
Enfin, dans les étapes après l'achat, il reste beaucoup à faire en termes de service après-vente pour assurer une continuité dans l'engagement du client. Cette continuité ouvre de nouvelles opportunités de cross-selling, comme la vente de nouveaux bracelets ou un entretient proactif pour renforcer la continuité à la marque.

Quelles différences de maturité constatez-vous entre les marques? Qu'est-ce qui distingue l'approche des plus avancées?

Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, la maturité de l'expérience client digitale ne dépend pas uniquement de la possibilité d'achat en ligne. D'autres facteurs clés viennent expliquer les différences de maturité et d'approche entre les marques.
Le premier facteur important est la taille de la marque elle-même, ainsi que son appartenance à un groupe. Les petites manufactures ont tendance à être plus sélectives dans leurs investissements en matière d'expérience client digitale, et s’inspirent de l'expérience des marques disposant de plus de moyens pour investir et prendre des risques.
Le deuxième facteur est le modèle de distribution et le positionnement de la marque entre son activité de manufacture et le retail. Les marques se considérant davantage comme des entreprises de production industrielle, s'appuyant sur un réseau de distribution externe, ont tendance à adopter une approche plus simple, se concentrant sur l'essentiel. En revanche, les marques ayant leur propre réseau de distribution, avec des boutiques ou des franchises, adoptent souvent les pratiques du retail et investissent dans des capacités numériques plus avancées.
Enfin, il est important de noter que la direction des marques joue un rôle fondamental dans la maturité de l'expérience client. Cela dépend de la vision établie par le leadership, d'une stratégie clairement articulée et soutenue par des investissements cohérents, plutôt que d'initiatives opérationnelles isolées.

Vous relevez que les marques peinent à relier les données et à faire la jonction entre les différentes étapes du parcours client. Pourquoi est-ce crucial? Quel est votre diagnostic, quel est votre remède?

Relier les données est plus qu'une nécessité technique, c'est une opportunité commerciale. La clé d'une expérience client de qualité réside dans la capacité d'une marque à connaître son client et à l'engager de manière personnalisée. Cependant, rares sont les marques capables d'accueillir un client en boutique avec un message de vente personnalisé et de lui proposer d'essayer le modèle qu'il a consulté en ligne, correspondant à ses préférences personnelles.
Si les marques développent des capacités pour relier les données à différentes étapes du parcours client, le défi est bien plus grand lorsqu'il s'agit de les relier entre les canaux. Cependant, c'est là l'élément essentiel d'une expérience client vraiment omnicanale, qui dépasse les silos techniques entravant actuellement les parcours.
Les attentes d'un client sont multiples: il souhaite s'informer sur le site web de la marque, voir des images sur les réseaux sociaux, commander en ligne, récupérer le produit dans une boutique a proximité pour l'essayer et le faire ajuster à sa taille. En voyage, il voudrait pouvoir déposer l'article dans une autre boutique pour réparer une rayure, suivre l'état du service sur son smartphone, et enfin le faire expédier chez lui à son retour.
Pour développer une telle expérience, il est nécessaire de mettre en place une architecture informatique intégrée et de faire évoluer les modèles opérationnels pour adapter les processus métier, tel que la gestion des flux logistiques et commerciaux.

Lorsqu'on réalise une telle étude, on part avec des hypothèses. Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans vos entretiens?

Notre étude de marché partait de l'hypothèse que la compréhension des enjeux et des opportunités liés aux capacités numériques varierait selon les domaines des dirigeants rencontrés. Cependant, nous avons constaté que cette compréhension était largement partagée, facilitant ainsi l'évaluation des objectifs attendus et du niveau de maturité au sein des organisations. En revanche, la compréhension des implications et des prérequis, tant sur le plan opérationnel, commercial que des capacités numériques, reste à développer et entrave la priorisation des investissements en cohérence avec les ambitions affichées.

Quelques résultats de l'étude d'EY

A propos de l’étude «Digital trends in Swiss watchmaking industry»

Pour prendre le pouls de l’emploi et des opportunités des technologies numériques dans le secteur horloger, EY a interrogé un groupe de cadres exécutifs de marques horlogères, groupes et distributeurs. Ils ont pris pour fil conducteur le parcours du client: les interactions, produits et services qui lui sont adressés, de l’awareness à l’achat, en passant par la découverte, le conseil et la sélection.

> Télécharger l'étude complète «Digital trends in Swiss watchmaking industry»

Webcode
NVEHjoNo