Culture & numérique

Nathalie Pichard, ArtTech: «C’est un moment propice pour réfléchir au numérique»

Directrice de la fondation ArtTech et à la tête de sa propre société Concilio, Nathalie Pichard est une experte des rapports entre culture et numérique. Elle explique le projet MuseumXTD développé durant la pandémie et les enjeux du numérique pour les petits musées suisses.

Directrice pendant 12 ans du Musée romain de Lausanne-Vidy, puis Secrétaire générale pour les Affaires académiques de l’EPFL, Nathalie Pichard dirige aujourd’hui la Fondation ArtTech et sa propre société Concilio. (Image: ICTjournal)
Directrice pendant 12 ans du Musée romain de Lausanne-Vidy, puis Secrétaire générale pour les Affaires académiques de l’EPFL, Nathalie Pichard dirige aujourd’hui la Fondation ArtTech et sa propre société Concilio. (Image: ICTjournal)

Qu’est-ce que MuseumXTD? Dans quel contexte le projet est-il né?

Durant la pandémie, l’Office fédéral de la culture et les affaires culturelles des cantons ont lancé un appel et soutenu financièrement des projets de transformation – numérique notamment – pour aider les acteurs du domaine à retrouver leur public et à se réorienter sur un marché passablement chahuté. La démarche avait ceci d’original qu’elle était ouverte aux entreprises actives dans la culture, que ce soit des agences ou des sociétés de conseil. MuseumXTD fait partie des projets retenus; nous [Concilio] l'avons proposé en association avec les Musées de Pully et le Media Engineering Institute de la HEIG-VD. MuseumXTD est un projet de recherche appliquée avec deux volets: d’une part une étude de cas avec les Musées de Pully et l’ouverture prochaine de l’espace Ramuz, et d’autre part la volonté de profiter de cette expérience pour mettre des ressources utiles à disposition des petits musées.

Que propose aujourd’hui MuseumXTD?

Le projet s’est achevé en octobre par un événement de restitution de deux jours destiné à partager ce que nous avons appris avec l’ensemble des acteurs de la culture. Museum- XTD est aujourd’hui une plateforme éducative et de sensibilisation, élaborée avec la HEIG-VD, qui propose des ressources à disposition des musées. On y trouve notamment des conseils et des outils pour structurer les initiatives numériques. Concilio se charge de valoriser ces contenus, de les alimenter régulièrement et d’en informer la communauté intéressée via une newsletter. Nous souhaitons continuer dans cette voie et pérenniser la démarche, voire aller plus loin et développer des solutions standardisées, mais ce n’est pas aisé sachant que le projet avance hors des chemins balisés en matière de financement public.

Quels sont, à vos yeux, les axes de transformation numérique des musées?

De notre point de vue, le numérique intervient à trois moments clés de l’activité du musée. D’abord l’emploi d’outils numériques pour le management et la collaboration, c’est un aspect peu connu et souvent négligé, je pense en particulier à l’exploitation des données. Ensuite la dimension collection – avec la question des bases de données et des inventaires numériques – qui est en général bien comprise. Enfin, la relation avec le public, notamment la médiation et la communication, sur laquelle les musées tendent à se focaliser. Les musées doivent monter en puissance sur ces trois pôles pour que l’on parle de transformation numérique. Et avant tout, il importe que les musées réfléchissent et posent ce qu’ils comptent faire avec le numérique. La technologie ou le recours à une société externe ne vont pas apporter la solution à eux seuls.

Quels sont leurs défis? Manquent-ils de moyensfinanciers, de solutions, de compétences?

Les défis ne manquent pas. Il y a une problématique de compréhension, les directions et le personnel des musées ne sont pas formées sur ces technologies. Étonnamment, les équipes craignent parfois d’employer pour le musée les outils dont elles font pourtant grand usage à titre personnel. Ensuite, il y a effectivement un manque de capacité financière avec parfois des injonctions paradoxales du côté des autorités. Vu leurs moyens limités, les petits musées ont sans doute intérêt à se fédérer et à mutualiser leurs efforts: dans de nombreux cas, ils ont des besoins similaires susceptibles d’être couverts par des solutions standardisées communes. Au-delà de ces freins, il y a surtout beaucoup d’intérêt et d'envie pour le numérique. On est au-devant de quelque chose. De nombreuses expériences ont été faites durant la pandémie sur lesquelles nous pouvons aujourd’hui capitaliser. C’est un moment propice pour mener des réflexions en matière de numérique.

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