Interview de CIO

Peter Kummer, CFF: «Nous devons apprendre à travailler à plusieurs vitesses»

| Mise à jour
par Interview: George Sarpong

A l’occasion de l’ouverture du tunnel du Gothard: interview de Peter Kummer, CIO des CFF, qui explique le programme de transformation digitale de l’entreprise ferroviaire.

Peter Kummer, CIO des CFF, souligne que l’ouverture du tunnel du Gothard est assurément l'un des projets les plus importants des CFF cette année, y compris pour l'IT. (Quelle: SBB)
Peter Kummer, CIO des CFF, souligne que l’ouverture du tunnel du Gothard est assurément l'un des projets les plus importants des CFF cette année, y compris pour l'IT. (Quelle: SBB)

En novembre 2015, les CFF ont annoncé un programme d'économie de plus de 550 millions de francs. Dans quelle mesure la numérisation peut-elle vous aider à réaliser ces économies?

La numérisation est un levier important pour réduire les coûts globaux des systèmes au sein des CFF. Avec nos projets de numérisation de grande envergure, nous entendons notamment optimiser les processus internes, augmenter l'efficacité de la collaboration et améliorer la gestion des capacités du trafic ferroviaire. Dans le domaine de la maintenance prédictive par exemple, à l’aide d’analyses big data et de capteurs en réseau. Pouvoir effectuer l’entretien d'une pièce dans le matériel roulant ou l'infrastructure avant qu'elle ne soit effectivement défectueuse, nous permet de gagner beaucoup de temps et d'argent. Dans la gestion des capacités, nous pouvons aussi réaliser des économies grâce à la numérisation. Il est plus avantageux d'augmenter les capacités du réseau ferroviaire avec une technologie innovante, que de développer l'infrastructure.

Jusqu'à quel point les processus de travail d’une entreprise aussi «matérielle» que les CFF peuvent-ils être numérisés?

De par leur nature, les chemins de fer sont basés sur un système matériel. L'informatique y joue toutefois un rôle toujours plus important. Sans IT, l'exploitation ferroviaire serait aujourd'hui tout bonnement paralysée. La gestion repose entièrement sur des logiciels, qu’il s’agisse du guidage des trains, des systèmes de sécurité ou de la gestion des capacités. Le réseau ferroviaire suisse est le plus densément fréquenté au monde. Et cela ne serait pas possible sans un système IT s’appuyant sur des analyses big data pour optimiser en permanence la circulation des trains. 10 000 messages d'état et informations provenant des trains et du réseau suisse transitent par seconde dans le système. Sur la base de ces données, des pronostics sont calculés toutes les trois secondes afin de guider les trains de manière optimale. Par ailleurs, les technologies numériques ne cessent de gagner en importance dans l'information de la clientèle. Nos clients veulent pouvoir accéder en temps réel, à tout moment et en tout lieu, aux informations pertinentes sur leur itinéraire ou être rapidement informés en cas de perturbations. Avec la nouvelle application CFF, nous souhaitons répondre au mieux à leurs attentes. Les processus numériques jouent enfin un rôle essentiel dans la collaboration interne. A cet égard, les collaborateurs des CFF disposent d’un poste de travail électronique satisfaisant aux exigences les plus récentes.

Quels processus sont déjà numérisés aux CFF?

De nombreux processus centraux sont déjà numérisés aux CFF. Nous avons fait le passage au numérique et équipé tous nos collaborateurs de smartphones et tablettes, ce qui nous permet désormais de numériser des processus bien particuliers. Pour RailClean, par exemple, la planification de l'affectation du personnel est entièrement commandée par une app. Auparavant, cette opération était basée sur des messages envoyés par fax et elle était extrêmement compliquée. Mais nous ne pouvons malheureusement pas numériser le processus de nettoyage lui-même, certains processus resteront à jamais analogiques…

Quels sont vos chantiers en cours?

Nous en avons encore quelques uns. La numérisation bat son plein et son potentiel est loin d'être exploité. En 2015, nous avons défini les objectifs de la transformation digitale que nous devons à présent mettre en œuvre de manière systématique et transparente. Il s'agit d'un processus de changement au niveau du groupe, qui est loin d'être achevé.

Les CFF appliquent des processus standardisés pour l'autorisation et le financement des projets, alors que la numérisation nécessite des décisions rapides et de nouvelles stratégies. Comment les CFF entendent-ils répondre au rythme de la digitalisation?

C'est en effet l'un de nos domaines d'action dans le cadre de la transformation numérique. Nous devons apprendre à composer avec la tension entre stabilité et agilité. En tant qu'entreprise complexe, caractérisée par une culture de la fiabilité et de la sécurité, nous devons de plus en plus tolérer des incertitudes, accepter des erreurs et être capables de réagir rapidement. Bien entendu, nous n’allons pas faire de compromis en matière de sécurité. Mais ces arbitrages représentent pour nous un défi de taille. Je suis cependant convaincu que nous parviendront à réussir ce changement, en apprenant par exemple à travailler toujours davantage dans des modes différents, avec une organisation opérant à plusieurs vitesses.

Où en êtes-vous dans votre transformation digitale?

Nous venons juste de commencer et nous allons poursuivre cette année cette transformation dans le cadre d’un programme stratégique à l’échelon du groupe. Nous travaillons à forger une compréhension commune de cette transformation. Et nous jetons les bases pour renforcer notre force d'innovation sur le long terme et orchestrer une dizaine de champs d'action dans les différentes divisions du groupe. Nous avons développé un modèle de maturité pour rendre nos progrès transparents. Fin 2016, nous verrons les champs d'actions que nous souhaitons approfondir et les nouveaux domaines à explorer. Nous sommes convaincus que la numérisation est la clé de la mobilité du futur.

A quoi ressembleront les CFF dans cinq à dix ans?

Nous restons une entreprise de chemins de fer, dont la principale activité est de transporter et d’assurer la mobilité des personnes et des marchandises. Mais vu que la mobilité est vouée à changer de façon significative à l'avenir, nous posons dès aujourd'hui les jalons des développements futurs. Nous pensons par exemple que de nouveaux acteurs du marché viendront bousculer le secteur des transports publics suisses. Un futur avec des véhicules autonomes, interconnectés via internet et communiquant aussi bien entre eux qu'avec des personnes, n'est pas si improbable. Les CFF entendent rester un acteur de mobilité important dans ce futur-là. Nous voulons y jouer un rôle d'intégrateur de mobilité, en proposant par exemple des services de mobilité personnalisés porte-à-porte combinant intelligemment tous les modes de transports.

Quels sont les projets prioritaires à l'ordre du jour en 2016?

Nous avons plusieurs priorités en 2016. A commencer par l’ouverture du tunnel du Gothard en juin prochain. C'est assurément l'un des projets les plus importants, y compris pour l'IT. Le déploiement de la nouvelle génération des systèmes centraux de vente et de distribution des transports publics nous occupera encore fortement.  Finalement, nous désirons apporter des améliorations concrètes dans le domaine de l'information à la clientèle. L’orchestration de tous les projets numériques est un vrai défi. Je suis curieux de savoir le degré de maturité numérique que nous aurons atteint d'ici la fin de l'année.   

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