Votre voiture embarque-t-elle Android?

OS embarqués: Apple et Google entrent dans la course

| Mise à jour
par Yannick Chavanne

Avec CarPlay, Apple glisse iOS sur les écrans de bord des véhicules connectés, alors que Google Android suit le mouvement. Les acteurs phare de la téléphonie mobile partent à l’assaut d’un marché encore dominé par la technologie QNX de Blackberry et la version embarquée de Microsoft Windows.

L’annonce a fait le buzz lors du récent Salon de l’automobile: le lancement de CarPlay. Incluse par Apple à la dernière mise à jour majeure de son OS mobile, cette fonction sera proposée au fur et à mesure par de nombreux constructeurs. Ferrari, Mercedes-Benz et Volvo ont déjà présenté à Genève les premiers modèles intégrant CarPlay, solution qui connecte l’iPhone à l’ordinateur de bord, celui-ci affichant alors une interface simplifiée d’iOS. L’utilisateur peut notamment recevoir des messages, des appels et d’autres notifications. Les interactions se faisant en mode tactile ou vocal, via l'assistant Siri. CarPlay, qui n’a en fait rien d’une révolution, fonctionne en reliant l’iPhone, par son câble Lightning, au système d’infotainment embarqué du véhicule… encore faut-il que celui-ci ait été rendu compatible par les constructeurs. Ainsi, il ne s’agit pas d’un nouvel iOS spécifiquement élaboré pour les automobiles, comme l’avait laissé entendre certaines rumeurs inspirées du nom donné à cette solution pendant son processus de développement, à savoir «iOS in the Car». Interrogé par nos soins au Salon de l’auto, Thomas Müller, Vice President Electrical & Electronic Systems Engineering chez Volvo, le confirmait: «CarPlay ne remplacera pas notre système Sensus Connect, mais sera une fonction parmi d'autres de notre prochaine version, qui arrivera sur le marché en fin d'année.» Même refrain du côté de BMW, Ford ou Opel, qui tous ont annoncé leur intention d'œuvrer pour rendre leur ordinateur de bord compatible avec la solution d'Apple. Il faut dire que par rapport aux fonctions de synchronisation déjà en place sur les systèmes embarqués de certains constructeurs, CarPlay présente l'avantage de donner à l'écran du tableau de bord le même look & feel qu'iOS. Les inconditionnels de la marque à la pomme ne peuvent que s'en réjouir. La firme de Cupertino ne licenciant pas ses systèmes d’exploitation à des tiers, il peut paraître surprenant qu’elle puisse se glisser dans les habitacles de tant d’équipementiers. Si elle y est parvenue, c’est grâce au système d’exploitation QNX, l’acteur de l’ombre qui domine depuis des années le secteur des plateformes automobiles d’infotainment. QNX appartient à Blackberry, qui a racheté la technologie en 2010.

QNX dans plus de la moitié des voitures connectées

Sur un blog consacré à l’univers Blackberry, le Directeur des Relations Publiques de QNX Paul Leroux estime que la connectivité avec les smartphones et autres périphériques mobiles s’impose comme l’une des grandes forces de la plateforme QNX: «De nombreux constructeurs automobiles ou fournisseurs de l'industrie l’utilisent pour faciliter l'intégration des smartphones à leurs véhicules ou appareillages. Nous avons un partenariat de longue date avec Apple pour connecter leurs produits et ce partenariat s’étend jusqu'au support de CarPlay.» La technologie rachetée par Blackberry a été adoptée par de nombreux constructeurs, dont Audi, BMW, Chrysler, General Motors (Cadillac, Chevrolet, Opel), Hyundai et Porsche. Selon une étude de marché menée par IHS Automotive, en 2013, plus de la moitié des systèmes d’infotainment embarqués tournaient sous QNX. Mais si cette technologie intervient effectivement au cœur des ordinateurs de bord, elle se trouve dissimulée sous différentes couches applicatives propres à chaque fabricant. La même observation s’applique d’ailleurs à la seconde technologie embarquée en termes de part de marché: la version estampillée «Embedded Automotive» de Microsoft Windows.

Windows Automative, une technologie solide

Ainsi, le système Blue&Me de Fiat repose sur l’OS pour automobiles de Microsoft, lequel s’est également fait un chemin vers les tableaux de bord de certains modèles de Kia. La firme de Redmond est aussi, depuis longtemps, le partenaire technologique de Ford, auquel elle fournit les fondements logiciels du système d'info-divertissement Sync. Répondant à nos questions à Genève, Thomas Michel ingénieur chez Ford, n’a pas jugé utile de commenter les insistantes rumeurs qui laissent entendre que la prochaine version de Ford Sync ne serait plus basée sur Windows Embedded, mais sur QNX. A ses yeux, la technologie de Microsoft reste solide: «Microsoft est un partenaire majeur et, au début de notre collaboration, l’entreprise était déjà à la pointe en matières d’intégration d’applications de divertissement, de connectivité et de contrôle vocal. Windows Automative a de plus l’avantage de permettre de fréquentes mises à jour via USB, le client pouvant ainsi profiter d’une compatibilité avec les téléphones mobiles sortant au fur et à mesure sur le marché.» Le spécialiste concède en outre qu’à l’avenir, Sync devrait également proposer CarPlay parmi ses diverses fonctions. Il n’y aurait donc pas que QNX qui soit à même d’apporter l’interface d’iOS sur les écrans de bord… On le voit: le marché des systèmes embarqués dans les voitures connectées se caractérise par de nombreuses, fréquentes et plus ou moins transparentes collaborations entre un éventail d’acteurs technologiques. La récente alliance entre QNX et Nokia l’illustre bien. En début d’année, le leader des systèmes d’exploitation pour quatre roues a annoncé que sa plateforme logicielle allait intégrer Here, l’application de navigation du Finlandais qui se connecte au cloud pour proposer au conducteur plusieurs services dynamiques, entre autres des mises à jour en temps réel des infos de trafic, ainsi qu’une aide pour éviter les embouteillages et les routes barrées. 

Quand Google entre en scène

Depuis peu, Microsoft et QNX, actuels leaders du secteur, font face aux coups d’accélérateur d’un vrombissant concurrent: Google. La firme de Mountain View semble avoir la ferme intention d’imposer son OS dans chaque recoin de notre quotidien, comme le démontre la récente annonce d’Android Wear, OS dédié à l’internet des objets. Android s’est ainsi récemment invité dans l’habitacle de la nouvelle Audi TT, exposée au dernier CES de Las Vegas. Bien qu’accueillant un système d’info-divertissement tournant sous QNX, ce modèle innove en proposant un portage parallèle des informations de l’écran embarqué vers une tablette Android indépendante et amovible, customisée spécialement par Audi. Avec son système R-Link, Renault propose aussi sa propre tablette connectée basée sur l’OS de Google, cette dernière étant, chez le constructeur français, directement incrustée au tableau de bord. En lançant cette solution en 2012, la marque au losange souhaitait mettre à disposition davantage de services, en proposant de nouvelles fonctionnalisés d’aide à la conduite. Le choix de se baser sur Android a, en partie, été motivé par les nombreuses applications tierces qu’il devenait ainsi possible de proposer en plus des celles développées par le fabriquant, nous confiait au Salon de l’auto Rémi Bastien, Directeur innovations et R&D de Renault. Il précise: «Opter pour cet environnent ouvert a permis un déploiement rapide. Nous ne proposons pas n’importe quelle app présente dans le Play Store. Un contrôle doit être fait. Elles nécessitent d’être validées par des ergonomes, pour garantir une expérience utilisateur satisfaisante, mais surtout pour assurer la sécurité de conduite.» Il est vrai que les systèmes d’infotainment sont souvent pointés du doigt en raison de la distraction au volant qu’ils peuvent causer. 

Open Automotive Alliance

Le fabricant français a également misé sur Android pour sa popularité et son accessibilité. «Nous avons tout de même dû faire face à des défis techniques, car Android n’est originellement pas orienté vers l’automobile. Mais c’est en train de changer», se réjouit Rémi Bastien. Le directeur de l’innovation fait ici référence au consortium annoncé par Google au CES 2014: l’Open Automotive Alliance. L’initiative réunit Audi, General Motors, Google, Honda, Hyundai et NVIDIA. Objectif commun affiché? Mettre au point, d’ici fin de l’année, une mouture d’Android embarquée et standardisée. Une approche qui n’est assurément pas pour déplaire aux développeurs tiers. Si le projet se concrétise, ils pourront produire des applications pour une plateforme Android unique, aussitôt compatibles avec un grand nombre de véhicules. Face à QNX et Microsoft, les nouveaux venus Google et Apple ont donc adopté des stratégies opposées. Le premier veut imposer son OS directement au sein des tableaux de bord, tandis que son concurrent se contente pour l’instant d’y étendre l’affichage d’une version simplifiée de l’interface d’iOS. La marque à la pomme a peut-être fait le bon calcul, en estimant qu’une majorité de constructeurs préféreront toujours garder le contrôle sur leurs systèmes embarqués, quitte à travailler à l’amélioration de la prise en charge de tout type d’appareils mobiles.

Lire aussi l'interview de Thomas Müller, Volvo: «Nous avons entièrement repensé notre interface homme-machine.»

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