Olivier Fécherolle, Viadeo: «Les réseaux sociaux devront mettre en place une forme de roaming entre leurs communautés»

Mis en ligne en 2005, Viadeo est encore méconnu en Suisse romande. Pouvez-vous présenter votre réseau social en quelques mots?

Il n’est pas si méconnu, nous comptons tout de même 160 000 membres en Suisse romande. Plus généralement, Viadeo est un réseau social professionnel qui compte 45 millions de membres dans le monde. Nous sommes numéro 1 en France et en Chine. Leader sur les pays francophones, nous sommes aussi présents sur les pays émergents grâce à différentes acquisitions. Nous sommes un acteur multi-local qui ne cherche pas à relier des personnes de pays différents mais à être fort dans un pays. Viadeo se greffe à un réseau physique. Nous voulons rapprocher des personnes qui se connaissent déjà et qui se côtoient. L’objectif est de conserver un lien entre deux rencontres.

Quels sont les services que vous offrez aux entreprises?

Le principal service est un outil de recrutement. En Suisse, nous sommes couplés avec JobUp pour la recherche d’emplois. Les entreprises peuvent non seulement publier des annonces mais également accéder à la base de profil de manière très précise. Nous venons d’ailleurs de revoir complètement cet outil. Le recrutement s’effectuera désormais dans une logique de projet. Dans un même projet, le recruteur peut retrouver les résultats de sa recherche, le vivier de talents qu’il avait mis de côté lors d’une précédente recherche et les personnes qui ont répondu à l’annonce. Cela permet d’avoir une vue d’ensemble des candidats potentiels. Tous les profils sont affichés de manière similaire. L’objectif est de simplifier le travail des ressources humaines,

Sur les quelques 400 salariés de Viadeo, 40% se consacre au développement de nouveaux produits, au design et à la maintenance. Quelles sont donc les nouveautés?

En septembre dernier, nous avons lancé une nouvelle version de notre application mobile. Elle offre plus de fonctionnalités pour simplifier l’usage du réseau au quotidien. Nous avons opéré une refonte complète du profil des membres. L’objectif était de coller à la logique de carte de visite. Par ailleurs, nous avons créé des pages Entreprise sur lesquelles il est possible de voir qui travaille dans l’entreprise. Il y a un onglet «Recrutement», un onglet «Discussion» et un onglet «En savoir plus». Sur ce dernier, la société va mettre en avant ce qu’elle souhaite. Cela peut même être une boutique en ligne.

Quel est votre modèle d’affaires?

50% de nos revenus proviennent des comptes Premium, 30% des services que nous vendons aux recruteurs et 20% de la publicité ciblée. A ce titre, il est important de préciser que nous ne vendons pas les données de nos membres. Mais nous offrons aux annonceurs de pouvoir cibler leurs publicités. Pour cela, ils nous fournissent leur publicité en nous précisant leur public cible et nous leur faisons profiter de notre outil de profilage. Nos commerciaux parisiens viennent d'ailleurs régulièrement en Suisse pour y développer notre présence.

Comptez-vous vous développer outre-Sarine?

Nous avons très peu de membres en Suisse alémanique et nous ne pensons pas travailler plus à son développement. La position de Xing est tellement importante dans la région DACH (ndlr: Allemagne, Autriche et Suisse) que notre intérêt n’est pas de nous y développer. Les services que nous offrons à nos membres et aux entreprises sont très locaux.

Selon vous, les Suisses doivent-ils être présents sur les trois réseaux?

Cela peut en effet faire du sens d’être présents sur les trois réseaux. Comme Viadeo est numéro 1 pour la langue française, Xing est leader sur la langue allemande et LinkedIn est plutôt centrée sur les entreprises internationales, une personne active dans les deux régions linguistiques ou qui travaille dans une multinationale trouvera son intérêt à être présente sur les trois réseaux.

Mais cela prend beaucoup de temps. Le risque n’est-il pas de voir apparaître un essoufflement des réseaux sociaux?

La construction du réseau prend beaucoup de temps, c’est vrai. Et il faut le mettre à jour régulièrement pour le faire vivre. Par exemple, grâce à notre application mobile, il est facile d’accéder au carnet d’adresses Viadeo et d’appeler directement les contacts professionnels par téléphone ou par Skype. Je pense que nous avons fait une bonne partie du chemin pour inventer de nouveaux services qui peuvent être utiles au quotidien. Quand nos sites seront plus opérationnels, qu’ils seront utilisés tous les jours, ils feront gagner du temps et c’est ce qui permettra d’éviter l’essoufflement.

Plus généralement, pensez-vous que le marché va se consolider?

Au niveau mondial, il y a clairement un marché pour les trois réseaux. Et en Suisse, les résultats de Viadeo, de Xing et de LinkedIn prouvent que les trois acteurs ont leur place. Dans la mesure où nous ne faisons pas de publicité pour recruter nos membres et que nous continuons à croître dans le pays, nous n’avons pas intérêt à abandonner la Suisse romande. Mais à très long terme, il n’est pas certains que les trois acteurs subsisteront. On peut imaginer que dans le futur un membre de Viadeo pourra contacter un membre de Xing sur un principe de roaming tel qu'il existe dans les abonnements mobiles. Pour cela, les différents réseaux devront s'entendre sur les modalités de ces partages. Je pense que pour survivre les réseaux sociaux devront mettre en place une forme de roaming entre leurs communautés.