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Les curateurs du web filtrent le contenu des réseaux sociaux

| Mise à jour
par Nicolas Paratte

Vérifier, éditer, mettre en scène l'information a toujours été le métier du journaliste. Sous le terme de curation, de nouveaux outils se proposent d’automatiser ce travail en filtrant et en organisant les contenus les plus intéressants postés sur les médias sociaux, à l’instar de paper.li développé par une start-up romande.

Issu du monde des musées, le terme anglais curator désigne les commissaires d'exposition qui sélectionnent des œuvres pour en faire une collection cohérente sur un thème donné. Avec l’avènement du web 2.0, l’activité de curation a pris récemment un nouveau sens. Face à la pléthore d’informations disponibles en temps réel sur internet – près de 150 millions de tweets sont par exemple envoyés quotidiennement – le tri entre le bon grain et l’ivraie à tendance à devenir indigeste pour beaucoup d’internautes. C’est là que les curateurs de contenu font leur entrée: à l’image d’un rédacteur en chef, ils trouvent, filtrent, regroupent et partagent en ligne le matériel rédactionnel et les posts qu’ils jugent les plus pertinents sur un sujet spécifique.
Pour assister ces éditeurs d’un nouveau genre, plusieurs sociétés ont lancé des solutions permettant de filtrer, d’organiser et de présenter automatiquement ces contenus, à partir des critères donnés par le curateur. Exemples.

Smallrivers et ses concurrents

Le marché de la curation commence ainsi sérieusement à se mettre en place même si des outils pour faire le tri sur la toile existent déjà depuis des années, à l’instar du marqueur de pages internet delicious. En Suisse, la start-up Smallrivers, sise dans le Parc scientifique de l'EPFL, est à l’origine du service paper.li, qui permet de générer automatiquement chaque jour un journal en ligne sur mesure. Depuis le lancement de sa solution en août 2010, la société s’est donnée pour mission de dénicher les liens les plus partagés par les usagers de Twitter ou Facebook de manière à en faciliter la lecture. En fonction de leurs centres d’intérêt, les internautes peuvent donc découvrir gratuitement des contenus intéressants sans avoir à être connecté 24 heures sur 24, explique Edouard Lambelet, CIO de Smallrivers. En introduisant un mot-clé, paper.li agrège via des algorithmes de classement des articles et des messages postés sur les deux réseaux sociaux. Actuellement, le service, qui croît à vitesse grand V, est accessible à tout le monde en anglais, français, allemand, espagnol, portugais et japonais. Quelque 15 millions de pages sont analysées quotidiennement pour créer environ 220 000 journaux paper.li, 1000 nouveaux titres étant constitués chaque jour. Au total, plus de deux millions d'utilisateurs sont aujourd’hui enregistrés, la moitié provenant des Etats-Unis où la plateforme jouit d’une forte popularité, précise Edouard Lambelet. «Selon Alexa, qui analyse le trafic sur internet, nous sommes classés parmi les 800 sites les plus visités au monde, voire dans les 500 premiers aux Etats-Unis».
La start-up a récemment reçu 2,1 millions de dollars par trois groupes d’investisseurs. Ces fonds devraient lui de se développer fortement, notamment en améliorant l’intelligence du service et en ajoutant de nouvelles fonctionnalités grâce à des partenariats avec de gros éditeurs. Smallrivers devrait à ce titre faire une annonce tout prochainement. Une version premium de paper.li est en outre sur la table de travail et sera «légèrement» payante.
L’outil de curation paper.li n’est toutefois pas le seul à créer des pages spécialisées sur une thématique précise. La solution française Scoop.it permet par exemple d’ajouter ses propres sources, tels des flux RSS, ou ses propres articles à la sélection. Le site Pearltrees, qui construit des «arbres à perles» renvoyant vers des pages web sélectionnées par les utilisateurs, ou encore Storify, qui se base sur les différents réseaux sociaux, sont également des plateformes de référence en termes de curation.

Des robots et des hommes

Il est légitime de se demander si les curateurs et les outils de curation automatique pourront un jour remplacer le travail des professionnels des médias. De plus en plus de critiques se font entendre, certains détracteurs soulignant que des sites comme paper.li ne sont que des robots qui scannent simplement Twitter ou Facebook à la recherche de mots-clés. «L’intérêt de ces systèmes de curation est de rendre visible des contenus et des échanges très pointus qui ne l’étaient pas avant», rétorque Edouard Lambelet. «Quand vous êtes sur Twitter, il est difficile de se faire une idée des 300 à 400 liens partagés en une journée. Grâce à paper.li, il est donc possible de distinguer le bruit du signal en faisant remonter l’information d’auteurs très intéressants de manière extrêmement rapide». Toutefois, pour le CEO de Smallrivers, l’homme aura toujours une longueur d’avance sur la machine pour procéder à un filtrage. Dans cette optique, les solutions de curation ne sont que des outils qui aident les éditeurs à faire leur tri.
Néanmoins, les journalistes peuvent s’inspirer de cette activité émergente. Pour Clément Charles, fondateur de l'agence Tout le contenu, l’avenir du métier de journaliste se joue justement dans la spécialisation ou la sélection des contenus à la manière d’un curator ou d’un commissaire d’exposition. Interviewé récemment par la Radio romande, celui qui est aussi enseignant en journalisme à l’Université de Neuchâtel considère que la sélection en tant que telle peut être créatrice de valeur et de sens.

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