Services fiscaux français

Quand l'IA peine à détecter avec précision les piscines non déclarées

En France, l'administration fiscale utilise l'intelligence artificielle pour identifier les piscines non déclarées. Mais des critiques pointent du doigt un manque de précision, remettant en question l'efficacité du système.

A l’aide de l’IA, l'administration fiscale française repère les piscines non déclarées, à partir de l'analyse de vues aériennes publiques de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). (Source: geoportail.gouv.fr)
A l’aide de l’IA, l'administration fiscale française repère les piscines non déclarées, à partir de l'analyse de vues aériennes publiques de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). (Source: geoportail.gouv.fr)

L'utilisation de l'intelligence artificielle par l'administration publique ou les collectivités devient toujours plus fréquente. En France par exemple, le gouvernement a récemment introduit l’IA Albert et mène depuis plusieurs années le projet «Foncier innovant», permettant au fisc de recourir à ce type de technologies pour traquer les contribuables qui n’ont pas respecté l’obligation de déclarer des possessions imposables, typiquement les piscines. Sauf qu’apparemment, le système utilisé dans ce cadre ne fonctionne pas aussi bien qu'espéré… 

Le projet «Foncier innovant»: de quoi parle-t-on?

Sur leur portail officiel, les services gouvernementaux français expliquent que la direction générale des Finances publiques expérimente depuis 2022 des algorithmes d’IA appliqués à des prises de vue aériennes. Un projet dont les partenaires privés sont Capgemini et Google. «Ce projet vise, en optimisant le processus de détection des constructions ou aménagements non déclarés, à permettre de lutter plus efficacement contre les anomalies déclaratives et ainsi mieux répondre aux souhaits d'équité et de justice fiscale des citoyens, par la juste imposition des biens», précisent les autorités. Les algorithmes permettent d'extraire les contours des bâtiments et des piscines à partir des photographies aériennes. Un traitement informatique vérifie ensuite, notamment sur la base des déclarations faites par les propriétaires, que les éléments identifiés sur les images sont bel et bien taxés comme il se doit. 

Dressant un premier bilan de ce projet à 24 millions d’euros, les services fiscaux de l’Hexagone indiquent que pour l'année 2022, plus de 20’000 piscines non déclarées ont été identifiées, dans neuf départements tests. Ajoutant que plus de 94% des propriétaires ont confirmé le caractère imposable de leur piscine. Dans l'ensemble, les communes ont ainsi bénéficié, pour 2022, de 10 millions d'euros de recettes supplémentaires. Une expérience positive aux yeux des autorités, qui ont ainsi décidé de généraliser le dispositif à l'ensemble du territoire. 

Controverses et critiques du système

Cependant, la branche Bouches-du-Rhône de la CGT (l'un des plus grands syndicats de France) fait entendre un son de cloche très différent. Fin avril, la CGT Finances publiques 13 a publié un communiqué de presse affirmant que le taux d'erreur du système était d'au moins 30%. Car l’algorithme qui analyse les photos aériennes se base sur la couleur de l’eau, selon Philippe Laget, secrétaire départemental CGT finances publiques. Par exemple, l'algorithme confondrait les parkings pour handicapés et les bâches de certains agriculteurs avec des piscines. Inversement, si la couleur de l'eau d'une piscine ne correspond pas au «bon» bleu, le robot ne la détectera pas. De plus, l'IA ne serait pas en mesure d'identifier correctement une piscine hors sol (qui peut être démontée et n'est donc pas imposable). 

D'autres critiques de la CGT portent sur le fait que les nouveaux logiciels ne sont plus testés avant d'être mis en service, les prototypes étant testés en situation réelle. De plus, c'est au contribuable de prouver que l'administration s'est trompée. Résultat: plus de 30’000 réclamations en ligne adressées au cadastre. Soit un surplus de tâches à gérer pour les collaborateurs, alors que l'introduction de ces outils d’automatisation visait justement l'inverse…  

Le projet  «Foncier innovant» n'est pas seulement critiqué par le syndicat Finances publiques. Le média dédié aux questions juridiques «Les Experts du Patrimoine» fait de son côté observer que le dispositif soulève un certain nombre de questions. Notamment, celle de l'utilité du système en regard de sa fiabilité actuelle pour la mise à jour des plans cadastraux, ainsi que celle de la perte potentielle d'expertise de la part des géomètres-experts chargés de ces plans.
 

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