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Thibault Reversé, Crédit Agricole next bank: «Le monde bancaire est peu familier du test & learn»

Crédit Agricole next bank a lancé il y a quelques mois un outil de crédit hypothécaire en ligne. Son directeur Thibault Reversé, ainsi que les responsables du projet expliquent la solution et le rôle du numérique dans la stratégie de développement de la banque française en Suisse.

Vous venez de prendre la tête de Crédit Agricole next bank en Suisse. Vous occupez de nouveaux locaux et vous lancez une offre hypothécaire en ligne. Quelles sont vos ambitions de développement sur ce marché déjà très occupé?

Thibault Reversé, Directeur Général Crédit Agricole next bank: Nous sommes en Suisse depuis une vingtaine d’année et, depuis dix ans, nous avons une offre complète pour la clientèle locale. Nous venons d’atteindre les 50 000 clients et nous visons le double à l’horizon 2023. C’est pourquoi nous investissons dans nos différents canaux, notamment dans de nouveaux locaux, dans la rénovation de nos agences ou encore dans le numérique pour répondre aux nouvelles attentes des clients. Nous proposons déjà l’ouverture de relation en ligne et, depuis quelques mois, une solution de crédit hypothécaire également en ligne. Nous avons la chance d’être une petite structure, en quelque sorte une start-up bancaire, ce qui nous permet d’aller vite et de ne pas attendre des années pour répondre à un besoin.

Parlons justement de cette offre de crédit hypothécaire en ligne. Pourquoi ce projet en particulier?

Emmanuel Favrat, Chargé de Conduite de projets, Crédit Agricole next bank: Nous avons sondé nos agences au sujet de la relation de leur clientèle avec les outils numériques. Elles nous ont signalé que les clients de crédits hypothécaires faisaient souvent des simulations en ligne avant de venir les trouver, certains apportant même leur laptop lors de leur rendez-vous en agence. Sur cette base, nous avons créé plusieurs persona et validé le projet d’un outil en ligne en commençant par l’acquisition d’une résidence principale en Suisse. L’idée étant de tester ce qui est possible avant de développer d’autres offres. Le projet a démarré en automne 2017. Quelques mois plus tard, nous avons lancé un appel d’offres et avons décidé de travailler avec SQLI après avoir validé leurs compétences lors du proof-of-concept.

Emmanuel Favrat, Crédit Agricole next bank: «Notre objectif est la conclusion d’un contrat, pas nécessairement que l’entier du processus se fasse en ligne.»

Pourquoi avez-vous choisi de faire appel à une société tierce plutôt qu’à vos services IT?

Thibault Reversé, Crédit Agricole next bank: D’abord, parce que c’est davantage un projet métier qu’un projet IT. Et nous souhaitions nous appuyer sur un prestataire ayant des compétences dans le domaine et de la souplesse pour gagner en rapidité et en efficacité. Le monde bancaire est parfois un peu rigide et peu familier de l’approche test & learn. C’était aussi relativement simple car le projet ne touche pas ni cœur du système ni aux données clients.

Comment s’est déroulé le projet? Comment avez-vous collaboré?

Michael Barbey, Expert technique, SQLI Suisse: Les fonctionnalités attendues étaient claires et nous avons proposé des solutions pour les éléments qui comportaient un risque ou une difficulté. Nous avons par exemple proposé un système d’import/export permettant à Crédit Agricole next bank d’intégrer les données émanant du processus en ligne sans nécessiter de véritable intégration. Après, sur le projet lui-même, nous avons travaillé en sprints. Dès qu’une fonctionnalité était disponible, nous l’avons mise à disposition sur un serveur de test pour un feedback rapide.

Emmanuel Favrat, Crédit Agricole next bank: Nous nous sommes aussi rencontrés toutes les deux semaines chez SQLI pour échanger, donner notre feedback, procéder parfois à des ajustages et décider des sprints suivants.

Avec la solution développée, à quoi ressemble le processus pour le client qui cherche une offre de crédit hypothécaire en ligne?

Thibault Reversé, Crédit Agricole next bank: Le résident qui souhaite acquérir une résidence va chercher un taux hypothécaire en ligne. A un moment il va cliquer sur un lien depuis Google ou un site partenaire et atterrir sur notre outil de simulation en ligne. Après avoir validé qu’il s’agit bien d’une résidence principale, nous allons lui poser diverses questions pour finalement lui proposer plusieurs offres. Nous voulons nous différencier par l’expérience client offerte. Il faut donc éviter un processus trop fastidieux, l’objectif étant que le processus complet ne dure pas plus de 20 minutes.

Comment cela se traduit-il techniquement?

Michael Barbey, SQLI Suisse: Au lieu d’immenses formulaires, nous avons opté pour un processus orienté QCM à la place des classiques questions appelant des réponses rédigées. A chaque fois que l’on pose une question au client, on utilise ses réponses pour déterminer les questions suivantes, de manière à lui éviter des questions superflues. Selon les cas, un client va ainsi répondre à une centaine de questions au lieu des 400 prévues, le tout réparti sur une dizaine de pages. Au total, cela donne 650 millions de parcours uniques possibles.

Michael Barbey, SQLI Suisse: «Nous avons opté pour un processus orienté QCM à la place des classiques questions appelant des réponses rédigées.»

Comment gérez-vous cette complexité?

Michael Barbey, SQLI Suisse: Nous travaillons avec Symfony qui permet de créer des formulaires dynamiques. Là, vu le nombre de possibilités, il était impossible de les définir à la main. En accord avec Crédit Agricole next bank, nous avons donc développé une brique additionnelle qui a une connaissance du parcours de bout en bout et qui se charge de conduire le système. Cela simplifie de manière significative la génération de formulaires. Tous les parcours sont en mémoire sous forme d’arbre logique côté serveur, et le chargement des pages à chaque clic est beaucoup plus rapide.

Accédez-vous à des systèmes tiers durant le processus?

Michael Barbey, SQLI Suisse: Oui, nous interrogeons des systèmes externes via des API à deux moments. Une fois pour l’expertise immobilière avec la solution de Wüest Partner, et une fois à la fin du processus avec l’outil d’aide à la décision Prologia, qui nous permet d’avoir un accord de principe et de faire une proposition.

Que se passe-t-il si un utilisateur interrompt le processus?

Emmanuel Favrat, Crédit Agricole next bank: On crée un identifiant dès le départ et le client peut se reconnecter et reprendre sa session durant 30 jours. Il peut ainsi démarrer le processus sur son portable dans le train et le poursuivre plus tard sur son PC, mais aussi dans une agence physique ou au téléphone avec notre agence en ligne. Tout au long de son parcours, le client est aussi invité à tchater avec nos experts ou à demander à être rappelé. Pour accompagner le client, les collaborateurs de l’agence en ligne disposent d’un accès à toutes les étapes de son processus via une interface spéciale. Notre objectif est la conclusion d’un contrat, pas nécessairement que l’entier du processus se fasse en ligne. L’acquisition d’une résidence est souvent le projet d’une vie et il est naturel que les clients veuillent à un moment donné avoir un contact direct avec nos conseillers.

A quels moments les clients tendent-ils à abandonner le processus?

Emmanuel Favrat, Crédit Agricole next bank: L’outil est disponible depuis six mois et 250 personnes l’ont déjà utilisé. Certaines sont allées jusqu’au bout du processus en ligne, d’autres l’ont conclu en agence. La moitié des utilisateurs abandonne le processus au départ, au moment de l’identification. Certains le quittent au milieu, au moment où nous leur proposons différents plans de financement et un taux qu’ils peuvent personnaliser selon la maturité – une originalité par rapport à nos concurrents.

Thibault Reversé, Crédit Agricole next bank: Notre idée est d’aider le client à construire son plan de financement plutôt que d’afficher un taux d’appel.

Des améliorations sont-elles prévues?

Emmanuel Favrat, Crédit Agricole next bank: Il est trop tôt pour faire des ajustements, mais des évolutions sont déjà prévues sur la base des remontées des clients et de l’agence en ligne. L’outil est aussi amélioré en permanence par SQLI, qui remonte automatiquement et corrige les bugs rencontrés. Une fois validés, les changements sont poussés sur notre infrastructure hébergée chez Net4All.

Quels sont les autres innovations et développements numériques prévus chez Crédit Agricole next bank?

Thibault Reversé, Crédit Agricole next bank: Nous ne sommes pas la seule banque à se digitaliser. Ce qui nous importe c’est d’offrir une relation client sans couture. A terme, le client doit pouvoir réaliser toute opération sur le canal de son choix. Nous proposons déjà l’entrée en relation en ligne – c’est une façon de faire bien acceptée par le marché et un bon tiers de nos nouveaux clients passent par ce canal. Avec le crédit hypothécaire en ligne, nous sommes sans doute en amont des attentes, mais nous pensons que d’ici deux à trois ans l’adoption sera au rendez-vous et nous serons prêts. Nous proposons également un agrégateur qui s’appuie sur le standard DSP2. Il permet à nos clients frontaliers d’accéder à leur compte chez nous et aux autres comptes qu’ils détiennent en France – y compris dans des établissements concurrents – depuis un outil unifié. S’agissant de notre plateforme bancaire, nous prévoyons d’autre part une mise à jour majeure de notre trafic des paiements avec notre partenaire Azqore pour être au niveau des standards suisses.

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