Spécial All IP

L’ère du tout IP commence maintenant

| Mise à jour
par Christoph Grau et George Sarpong

Fin 2017, Swisscom aura supprimé son réseau ISDN, poussant des milliers d’utilisateurs à migrer vers la téléphonie IP. Les PME, au sein desquelles l’ISDN est encore très répandu, devraient d’ores et déjà se préparer au passage à la nouvelle technologie.

(Quelle: Flickr @Jim_K-Town )
(Quelle: Flickr @Jim_K-Town )

Dans les années 90, l’ISDN a révolutionné les télécommunications en tant que premier standard numérique pouvant supporter plusieurs appareils et services sur une même ligne. Si pour les connexions internet, cette technologie plus si jeune a depuis longtemps fait place à la rapidité de l’ADSL, elle fait de la résistance en matière de téléphonie.

Beaucoup de PME se reposent encore sur l’ISDN

L’ISDN est encore particulièrement apprécié dans les PME, notamment pour des raisons historiques. «L’ISDN représentait l’incarnation d’une numérisation de bout en bout», explique Armin Blum, de la section services fixes et service universel de l’OFCOM. Au moment de passer de l’analogique au numérique, la plupart des entreprises ont opté pour l’ISDN et sont ensuite restées fidèles à cette technologie en raison de sa grande fiabilité, précise-il.

Mais l’ère de l’ISDN touche à sa fin, Swisscom ayant prévu la suppression du réseau au plus tard fin 2017. Un plan de route rendu public il y a déjà un an. En initiant une migration totale vers la téléphonie fixe basée sur le protocole IP (VoIP), l’opérateur helvétique suit la tendance globale. Deutsche Telekom a par exemple prévu d’abandonner l’ISDN une année après Swisscom. Plusieurs pays basculeront plus tard vers la nouvelle technologie, alors que d’autres l’ont déjà fait.

Selon une étude du portail d’offres Gryps, mi-2014, 70% des PME suisses se servaient encore de raccordements ISDN, tandis que la technologie n’est encore utilisée que par 30% des grandes entreprises. La majorité des utilisateurs sont de petites sociétés, qui disposent de peu de lignes téléphoniques, commente Gaby Stäheli, codirecteur chez Gryps. D’ici fin 2017, c’est-à-dire dans moins de trois ans, des milliers de PME n’auront d’autre choix que d’opter pour une alternative à leur système ISDN actuel.

Les avantages de la téléphonie IP

Beaucoup d’utilisateurs de l’ISDN se demandent: «Pourquoi changer un système qui fonctionne?», confie Patrick Venzin, enseignant à l’école professionnelle d’Uster (ZH) et consultant spécialisé chez Globacom. Or il faut rappeler que la migration représente plus qu’une simple commodité technique, les nouvelles technologies proposant davantage de fonctionnalités que l’ISDN, de l’affichage automatique des noms, à l’intégration mobile en passant par des fonctions de téléconférence étendues. Le basculement vers l’IP permet aussi de voir sur le long terme. A côté des systèmes classiques hébergés sur site, les entreprises ont notamment le choix d’opter pour un hébergement externe, basé sur des infrastructures cloud privées, publiques ou hybrides. Avec ce genre d’infrastructure décentralisée, les entreprises réparties sur différents lieux peuvent espérer faire des économies.

Cependant, l’abandon de l’ISDN par Swisscom ne va pas porter un coup fatal à cette technologie. Les commutateurs existants pourront en effet toujours être exploités à l’aide d’adaptateurs. Attention toutefois à bien s’assurer de leur compatibilité à la fois pour les transmissions montantes et descendantes, met en garde Armin Blum de l’OFCOM. En outre, certaines entreprises ne peuvent ou ne veulent pas passer à la VoIP. En particulier les banques, qui souhaiteraient pouvoir conserver leur système actuel pour leur communication interne. Une frilosité qui s’explique par des enjeux de sécurité, car avec des raccordements VoIP, les signaux vocaux sont traduits en paquet de données. Ces derniers sont dès lors susceptibles d’être volés, copiés et manipulés. L’ISDN a de ce fait des chances de survivre encore un temps dans certains domaines d’activité.

Les challenges de la migration

En abordant le passage de l’ISDN à la VoIP, il est essentiel de considérer avec soin différents aspects. A commencer par la largeur de la bande passante du réseau interne. De l’avis de Rolf Wagner, responsable services et fournisseurs télécom auprès du cabinet AWK, une ligne pour des communications vocales nécessite une bande passante de 100 Kbits par seconde. Cette vitesse devrait suffire, précise-t-il, compte tenu de l’augmentation, depuis le 1er janvier, des exigences de débit minimal à fournir par Swisscom dans le cadre du service universel (soit un débit descendant de 2000 Kbits/s et 200 Kbits/s de débit montant). Pour le co-directeur de Gryps Gaby Stäheli, dans le cas où la ligne téléphonique ne bénéficierait pas de la qualité attendue, faire appel à un second fournisseur pourrait permettre de combler les problèmes de connexions faibles ou précaires. Pour Patrick Venzin en revanche, la problématique de la bande passante appartient déjà au passé. Le spécialiste juge que la bande passante est suffisante dans la plupart des régions du pays. C’est aussi l’opinion d’Armin Blum, qui estime qu’il existe peu de goulets d’étranglement en Suisse. Ces cas minoritaires peuvent d’ailleurs être résolus en se reposant sur le réseau câblé ou sans fil. En revanche, la connexion par satellite ne se profile pas comme une solution, à cause d’un temps de latence trop long.

Les écueils relatifs à la bande passante sont aussi relevés par Roger Vogler, responsable des ventes chez l’opérateur VoIP Peoplephone, ainsi que par Roger Schaller, porte-parole chez Sunrise. Pour eux, un contrôle préalable de la capacité de la bande passante est indispensable. Roger Vogler souligne de plus l’importance d’avoir une vision claire de sa planification de réseau et de pouvoir compter sur de solides connaissances en technologie VoIP. Patrick Venzin relativise: «Il y a seulement dix ans, les réseaux étaient catastrophiques». Mais, selon lui, la donne n’est aujourd’hui plus la même et les réseaux d’entreprise sont prêts à supporter la conversion. Il juge en outre que les firmes profitent désormais d’un haut degré de compétences techniques, lesquelles devraient dans la plupart des cas assurer une migration sans accroc vers la VoIP. Par ailleurs, Gaby Stäheli et Patrick Venzin pensent que les PME ont souvent des préjugés au sujet de la VoIP, qui impliquerait de fréquentes pannes nécessitant de longues réparations. Des peurs injustifiées selon Patrick Venzin, qui souligne que cette technologie a considérablement évolué ces dernières années, devenant beaucoup plus stable. Comparées aux connexions VoIP pour particuliers, celles de la clientèle d’entreprises sont mieux supervisées et gérées, les défaillances étant ainsi extrêmement rares. Le spécialiste juge ainsi que c’est la VoIP qui s’impose pour des applications critiques de communication.

Poser les jalons dès maintenant

De la collecte d’offres de prestation jusqu’à la migration effective vers la VoIP, il faut prévoir un à deux mois, avance Gaby Stäheli. Une période qui sera consacrée essentiellement à la comparaison des offres, à la coordination interne et à la clarification de l’envergure du projet. Le basculement vers le nouveau système pouvant s’opérer en une journée, voire en quelques heures. Pour Patrick Venzin et Gaby Stäheli, il n’y a nul besoin d’agir à la hâte. Beaucoup d’eau va encore couler sous les ponts avant la fin de l’ISDN et le délai pour y voir clair est encore suffisamment long. Mais pourquoi ne pas prendre dès maintenant les disposions nécessaires?

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