Interview CIO

Pablo Castillo, Hotelplan: «L’informatique est un élément clé dans le secteur du voyage»

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Pablo Castillo dirige le département IT du groupe Hotelplan depuis fin 2014. En entretien, il explique comment le voyagiste réagit au défi de la digitalisation et pourquoi des offres telles que Airbnb peuvent aussi créer de nouvelles opportunités d’affaires pour le secteur hôtelier.

Pablo Castillo (Quelle: Hotelplan / Philippe Wiget)
Pablo Castillo (Quelle: Hotelplan / Philippe Wiget)

Quelle était la situation du département IT lorsque vous êtes devenu CIO du groupe Hotelplan en novembre dernier?
Avant de reprendre la direction du département IT, j'y ai travaillé pendant quatre années, dont deux dans le management. Je n'y ai donc pas rencontré de mauvaises surpriseset il n'y avait pas non plus de chantier. Au contraire, nous formons une équipe bien rodée, composée d’un mélange de collaborateurs de longue date et de jeunes récemment embauchés. 

Mais, au cours de ces quatre ans, vous avez dû voir certaines choses que vous désiriez améliorer ou développer?
C'est vrai. Les innovations me tiennent beaucoup à cœur. C'est pourquoi, au début de l'année, j'ai fondé la nouvelle unité d'affaires «Digital Business Development». 

Quels sont les objectifs concrets de cette unité?
Il s'agit d'un laboratoire de concepts, où de nouvelles idées business à forte composante IT doivent voir le jour. Le problème est que nous avons toujours de bonnes idées et possédons un grand savoir-faire, mais que nous n'avons malheureusement pas le temps de poursuivre ces idées. C’est la raison d’être de la nouvelle unité. Nous évaluons ensuite les concepts qui y sont développés et essayons d'intégrer les meilleurs dans notre travail quotidien, par exemple via des workshops. 

Comment est organisée l'IT de Migros dont Hotelplan fait partie? L’informatique est-t-elle centralisée ou gérée indépendamment par les différents départements IT?
Nous travaillons de manière aussi centrale que possible et offrons un vaste portefeuille de services. Pour la coordination avec Migros, nous nous réunissons une fois par trimestre avec les départements IT des autres filiales Migros.

Quels sont les avantages de cette organisation?
Dans le groupe Hotelplan, nous sommes les enfants de la Migros. Ce qui comporte aussi des avantages, par exemple pour l'acquisition de matériel ou l'achat des licences de logiciels. Grâce à notre grand volume, nous bénéficions d’économies d'échelle. 

Quelle est l'importance de l'outsourcing?
Nous effectuons de nombreuses prestations nous-mêmes. La moitié de notre équipe informatique réalise les services pour le business. Il s'agit notamment de services dans le domaine de la gestion des données ou de support technique de premier et second niveaux. Nous pensons que le support technique est l'une de nos principales compétences, notamment parce que nous développons beaucoup de nos solutions nous-mêmes. Une grande partie de nos systèmes sont des ERP – et ce sont tous des développements internes gérés par nos soins. Toutefois, nous externalisons des processus lorsque cela nous semble opportun. Une partie de notre développement web est réalisée nearshore, même si nous avons dix développeurs web dans l'entreprise. Malgré tout, nous visons en premier lieu la rentabilité. C'est l'un de nos atouts.

Comment ressentez-vous la pression budgétaire?
La décision de la BNS de lever le cours plancher face à l'euro a augmenté la pression à faire des économies. Nous sommes sensibles aux coûts, mais nous parvenons néanmoins à générer une plus-value pour notre entreprise. Surtout si l'on considère le nombre d'utilisateurs. Outre notre siège social, nous avons 123 filiales en Suisse, et nous sommes présents dans 17 pays aux quatre coins du monde. Nous sommes à même de gérer la plupart des systèmes, en particulier les plus onéreux, de manière centralisée et de répartir les coûts sur les différents sites. Nous n'utilisons pas trente-six solutions, mais nous consolidons les systèmes là où nous le pouvons et distribuons les prestations de manière centralisée aux filiales. De plus, au cours des dernières années, nous n'avons cessé d'investir dans de nouvelles technologies web, qui ont pleinement porté leurs fruits. Nous sommes d’ailleurs très bien positionnés dans un benchmark des départements IT de diverses entreprises du secteur touristique.

Quelle est l'importance des technologies web ou IT dans le secteur du tourisme?
En principe, notre produit fonctionne de manière purement virtuelle. Nos clients nous achètent pour ainsi dire des données. De sorte que l'industrie du voyage est essentiellement basée sur la gestion de données. L'IT est un élément clé de notre secteur. Nous dégageons des marges oscillant entre 1% et 3%. Sans IT efficace, notre activité ne pourrait être maintenue.

Vous parlez de données. Considérez-vous également l’emploi de technologies Big Data?
Pas encore à grande échelle. Là où cela s’avère opportun, nous déployons des solutions pour nos unités business. Pour que le Big Data soit davantage qu’un terme à la mode, les projets doivent pouvoir répondre à des questions. Mais avant tout, les départements métier doivent réfléchir à ce qu’ils souhaitent réellement savoir. Faute de quoi, on se retrouve avec un kyrielle de données ne générant aucune plus-value. Ces questions doivent être posées par les départements métiers qui s’occupent du business au quotidien.

Comment évolue votre volume de données?
Ces cinq dernières années, nous avons enregistré une très forte croissance de nos données, leur volume doublant pratiquement chaque année. Mais cela n’en représente qu’une partie, car bon nombre de nos données proviennent de l’extérieur. Auparavant, nous avions un tour operator, qui acquérait des capacités hôtelières pour nous. Aujourd’hui, le sourcing est totalement différent. Nous travaillons désormais avec des banques de lits, qui introduisent leurs offres dans notre système via nos API. Nous pouvons ainsi toucher de 50 000 à 100 000 hôtels avec une seule liaison. 

En quoi les besoins des clients ont-ils changé dans le domaine digital?
Les clients attendent aujourd’hui des offres digitales. Mais ils souhaitent aussi être accompagnés. Beaucoup d’entre eux s’informent d’abord sur internet et consultent ensuite une agence de voyage. La transparence du secteur est élevée. Nos collaborateurs doivent donc être bien informés. Nous réagissons à l’évolution des souhaits de notre clientèle par des services complémentaires, tels que le WLAN dans l’agence de voyage. Nous constatons du reste que davantage de jeunes gens s’adressent de nouveau à une agence de voyage.

À votre avis, à quoi cela tient-il?
La masse d’informations sur les destinations de voyage, les attractions touristiques et les hôtels ne cesse de croître. La génération Y veut donc être conseillée. Cela fait partie de son style de vie. Nos clients font appel à nos services pour l’accompagner tout au long du voyage jusqu’à destination. Ils veulent également minimiser le risque de rencontrer de mauvaises surprises sur le lieu de vacances. Pour les voyages de noces notamment: en cas de problème, l’agence de voyage peut intervenir. Ce qui n’est pas aussi simple dans le cas d’un voyage individuel. A cela s’ajoute un autre aspect important pour les jeunes, la limite de la carte de crédit: à l’agence de voyage, il est toujours possible de payer par facture. En ligne, ce moyen de paiement n’est pas toujours disponible. 


Dans quelle mesure les entreprises «disruptives» à la Airbnb, vous inquiètent-elles?
Notre filiale Interhome ressent évidemment la présence de Airbnb sur le marché suisse. Toutefois, il est essentiel d’entrevoir les opportunités résultant de cette «disruption». Les plateformes comparatives nous offrent également de nouvelles opportunités commerciales. Hotelplan leur fournissant notamment des données, nous pouvons nous procurer ainsi de nouvelles sources de revenus.

Sur Airbnb, je peux réserver une chambre via smartphone ou tablette quand je suis en déplacement. Quelle est votre stratégie mobile?
Aujourd’hui, le client veut pouvoir réserver un voyage instantanément. Nous nous adressons à notre clientèle de deux manières: via notre site internet mobile et via une app, sur laquelle nous travaillons actuellement. Nous voulons toucher nos clients via le site web et les informer sur nos offres. L’app est conçue pour servir de guide de voyage. Via l’app, une fois à destination, les clients peuvent par exemple consulter les vouchers pour l’hôtel ou des infos utiles dans le guide touristique. Nous développons l’app en interne en collaboration avec des partenaires nearshore.

Quand allez-vous arrêter d’imprimer des catalogues de voyage?
Le catalogue de voyage ne disparaîtra probablement jamais complètement. L’haptique du papier éveille toujours des émotions. Nous ne digitaliserons donc pas tout.

Quelle est votre stratégie en termes de médias sociaux?
Nous considérons les médias sociaux comme un outil marketing. Nous faisons de la publicité sur divers canaux: de Facebook et Twitter jusqu’à Xing, en passant par Instagram et Google+. Mais ce n’est là qu’une partie de nos efforts. Nous entretenons divers blogs de voyage par marque. Les lecteurs peuvent s’y informer sur leurs destinations de voyage. Ils y trouvent par exemple le resto favori de leurs stars préférées à Londres. Nous avons également des auteurs qui rendent compte de leurs destinations de vacances de manière personnelle et ludique, pour Hotelplan, Travelhouse, Globus Reisen ou Interhome.

Comment protégez-vous vos données et celles de vos clients?
Nous sauvegardons les données de nos clients conformément aux directives suisses sur la protection des données. Toutefois, la plupart de nos partenaires et prestataires de services travaillant à l’étranger, nous ne pouvons pas toujours garantir que ces opérateurs les gèrent selon les standards suisses élevés. Nous ne transmettons par conséquent qu’un minimum de données à nos partenaires. Les données des cartes de crédit sont à leur tour traitées par des prestataires externes. Nous ne sommes donc pas une cible d’attaque attrayante dans ce domaine. Au cours des derniers mois, nous n’avons dû repousser qu’une seule attaque. La sécurité IT reste cependant un sujet de préoccupation constant. Nous avons prévu pour cette année de nouveaux investissements dans notre sécurité IT. Nous complétons ces investissements technologiques par des formations de nos collaborateurs. Ils doivent être sensibilisés aux risques de la sécurité informatique.

Quels autres projets planifiez-vous?
Mon principal objectif est de renforcer davantage et d’établir notre département IT en tant que partenaire du business. Actuellement, nous avons plus de 20 projets dans le pipeline. Il s’agit de projets qui exigent plus de 20 jours de travail. Comme notre app, le site internet mobile, mais aussi le sourcing et la consolidation de l’IT.

Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans ce job?
J’apprécie surtout le mélange entre les thématiques business et IT, et je recherche donc le contact et la discussion avec les collaborateurs. L’IT évolue en permanence, et à une vitesse impressionnante.

Qu’entendez-vous par là?
Avant, il s’agissait pour l’essentiel de traitement de données électroniques. Aujourd’hui, nous parlons de la digitalisation de l’entreprise tout entière. L’informatique est omniprésente. Dans notre activité aussi. Les wearables sont un nouveau sujet. Qui sait où ce voyage nous emmènera encore. Cela me fascine. Et en particulier le fait d’apprendre tous les jours quelque chose de nouveau.


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