Opinions divergentes

Réactions dans le secteur IT suisse à la votation sur l’immigration de masse

Dimanche, la Suisse a accepté l’initiative contre l’immigration de masse. Pour Ruedi Noser, actionnaire principal du groupe Noser engineering, président d’ICT Switzerland et conseiller national PLR, c’est un poison pour l’économie. Tandis que pour Franz Grüter, CEO de Green.ch, et membre de l’UDC, il n’y aura pas d’impact négatif.

Ruedi Noser et Franz Grüter.
Ruedi Noser et Franz Grüter.

Ruedi Noser: «Le secteur des TIC va en pâtir»

Ruedi Noser, vous étiez personnellement opposé à l’initiative contre l’immigration de masse. Comment avez-vous réagi à la votation?

Je suis actuellement aux Etats-Unis et ai suivi le résultat depuis ici. L’adoption de l’initiative m’a beaucoup déçu. En tant qu’entrepreneur, cela me fait mal. La décision aura des conséquences négatives pour la Suisse, et le secteur des TIC va en pâtir.

Dans quelle mesure?

Pas seulement le secteur des TIC, mais toute l’économie est dépendante des travailleurs étrangers. La situation va devenir problématique car ils ne pourront plus travailler en Suisse qu’à des conditions très strictes. Cette décision contre l’immigration rendra également difficile de motiver des spécialistes étrangers à venir en Suisse.

Comment expliquez-vous l’adoption de l’initiative?

Il y a beaucoup de raisons. Il s’agit d’un vote de défiance envers l’immigration, envers l’UE et envers la croissance – ce qui me peine le plus en tant qu’entrepreneur. Pour réussir économiquement, la Suisse doit pourtant continuer de croître. Cela va devenir difficile avec ce résultat.

Pourquoi?

Parce que les entreprises vont réfléchir avant d’investir leur argent en Inde, en Pologne ou en Suisse. Les firmes IT sont confrontées presque quotidiennement à ces décisions, et celles-ci vont plus souvent se faire au détriment de la Suisse.

Que peut faire la Suisse là contre?

Le problème est que l’acceptation de cette initiative crée un climat d’incertitude. C’est un poison pour l’économie, lorsque les décisions d’investissement ne peuvent pas être planifiées. La balle est désormais dans le camp du Conseil fédéral et du parlement, qui devront tirer le meilleur de la situation actuelle. Nous aurons besoin, le plus vite possible, de savoir ce qui est encore possible avec cette initiative. 

Durant les derniers mois, quelques start-up suisses ont connu un écho international. L’acceptation de l’initiative de l’UDC va-t-elle créer un climat qui va inverser cette tendance?

Oui, hélas. Les jeunes entrepreneurs laissent déjà souvent entendre que la Suisse n’est pas un endroit idéal pour les start-up IT, en comparaison avec les Etats-Unis ou l’Allemagne. L’on va de plus en plus entendre ce genre de plainte. La scène suisse des start-up a besoin d’ouverture – la décision de dimanche va exactement à l’opposé.

***********

Franz Grüter: «Les spécialistes continueront de venir ici quand on en aura besoin»

Franz Grüter, l’association faîtière ICT Switzerland craignait les conséquences de l’acceptation de l’initiative de l’UDC. Quelle influence ce vote aura-t-il pour le secteur ICT?

Toutes les associations économiques ont mis en garde contre l’adoption de l’initiative. Rien de nouveau: en 1992, (ndlr: lors de la votation sur l’EEE) par exemple, toutes avaient également peint le tableau en noir. Mais nous avons pu constater, par la suite, que le refus n’a pas eu de conséquence pour notre pays. Il en sera de même cette fois-ci. L’initiative ne veut pas couper l’immigration. Elle veut juste la contrôler, selon les besoins de notre économie. Les opposants parlaient d’une initiative de repli sur soi, lancée pour semer la peur. Mais il ne s’agit pas d’un repli, juste d’une maîtrise.

La pénurie de compétences dans le secteur ICT ne va-t-elle pas être renforcée par l’acceptation de cette initiative?

En effet, l’on observe une pénurie dans les TIC, jusqu’à un certain point. Mais il sera toujours possible de recruter des forces de travail à l’étranger. Ce qui va se passer, c’est que l’on privilégiera les Suisses avant les étrangers. C’est-à-dire que l’on devrait engager des étrangers que lorsque l’on ne trouve pas de personnel qualifié en Suisse.

L’UE a menacé la Suisse de conséquences en cas d’acceptation. Ne croyez-vous pas que la Suisse va au devant de problèmes?

Bien sûr que les fonctionnaires européens ont menacé de conséquences. Mais je crois que cela va juste mener à des renégociations. Elles seront ardues, c’est clair. La question de la libre-circulation des personnes devra être rediscutée. Mais la position du Conseil fédéral est renforcée par la forte décision du peuple, il peut poser des exigences claires. Il sait ce qu’il doit changer et ce qu’il doit conserver, il faut trouver un compromis. Finalement, nous voulons retrouver la situation que nous avions avant 2007.

Durant les dernières années, la Suisse a connu une forte croissance grâce aux entreprises étrangères, qui, par le biais de la libre-circulation des personnes, ont créé des emplois ici. N’avez-vous pas peur que ces entreprises repartent?

Je crois que ces entreprises sont venues plutôt à cause des avantages tels que les taux d’imposition, les bonnes infrastructures et la haute qualité de vie. Tout cela ne changera pas avec l’acceptation de l’initiative. Nous avons toujours de bons arguments. Cela signifie que les spécialistes continueront de venir ici quand on en aura besoin. La croissance devrait se poursuivre. J’estime qu’un départ de ces entreprises est irréaliste.

Kommentare

« Plus