Interaction homme-machine

Nicola Millard, BT Global Services: «La clé consiste à communiquer le langage facial et corporel»

Docteure en psychologie et spécialiste en interaction homme-machine chez BT Global Services, Nicola Millard précise et développe différents points abordés dans son récent livre blanc «The collaboration conundrum».

Nicola Millard, Customer Experience Futurologist chez BT Global Services. (Source: BT Global Services)
Nicola Millard, Customer Experience Futurologist chez BT Global Services. (Source: BT Global Services)

Vous expliquez que les technologies de collaboration permettent difficilement d’instaurer de la confiance. Est-ce systématique?

C’est à nuancer. Il est vrai que certains moyens de communication sont assez riches et d'autres plus pauvres. Les recherches en psychologie ont montré que la vidéo, riche en informations non-verbales, était de ce fait l’outil le plus propice à forger un lien de confiance. Cela dit les appels vidéo ne conviennent pas à tout le monde. Certains outils sont plus ou moins adaptés à certains profils psychologiques. Les développeurs par exemple, généralement plus introvertis qu’extravertis, apprécient moins les interactions en face à face ou via vidéo que le tchat ou les forums de discussion. A mon sens, les communications audio sont un bon compromis pour faciliter l’engagement à la fois des extravertis et des introvertis. Pas besoin de se soucier de son apparence avec les appels vocaux, qui permettent aussi de créer un lien de confiance plus rapidement que par le biais des réseaux sociaux.

Le bon vieux téléphone serait donc l’avenir de la collaboration virtuelle?

Je pense en tout cas que nous n’avons pas suffisamment exploité le potentiel de la communication audio. Les conférences téléphoniques posent encore plusieurs problèmes. La qualité est souvent trop faible pour laisser clairement transparaître les informations paraverbales, telles qu’un ton sarcastique. Et la différenciation des interlocuteurs est parfois difficile. Avec mes collègues, nous menons des recherches pour savoir comment améliorer ces différents aspects. Nous travaillons avec un acteur établi, Dolby, dans l’idée notamment de faciliter l’identification des participants. Avec la spatialisation audio, les voix des différents interlocuteurs proviennent de directions différentes, comme dans une situation de meeting réel.

Les réseaux sociaux d'entreprise ont-ils du potentiel?

En théorie, les réseaux sociaux d'entreprise sont un excellent outil de collaboration. Mais force est de constater que leur taux d’adoption reste faible. Il est important de comprendre d’abord comment les utiliser. Car s’en servir uniquement pour informer que l’on travaille sur ceci ou cela génère de l’attention mais ne crée que des liens faibles, insuffisants pour motiver une réelle collaboration. Pour que les employés utilisent les réseaux sociaux à bon escient, il est nécessaire qu’ils s’y connectent avec un objectif défini, avec un but commun promu par le management. D'où l'importance d’un leadership adapté en vue de motiver les collaborateurs à se servir de cet outil. Un manager doit montrer l'exemple en engageant lui même les échanges au sein du réseau. Un bon leader s’apparente aujourd’hui à un hôte de fête à domicile, capable de faciliter les connections entre les convives et de stimuler les échanges.

Comment voyez-vous évoluer la collaboration virtuelle en entreprise?

Il suffit d’observer des adolescents de 14 ans jouer à «Minecraft»: ils collaborent au sein d’un univers virtuel à des projets géants réunissant des dizaines de milliers de joueurs, en faisant appel à de multiples canaux de communication. Ils partagent un but dans un environnement commun. C’est inspirant. Parmi les technologies récentes, la réalité virtuelle et augmentée présente du potentiel. Mais peu importe la technologie utilisée, la clé consiste à communiquer le langage facial et corporel. Si l’on se projette plus loin, communiquer à l’aide d’hologrammes pourrait être intéressant. Mais cette technologie ne permettra pas de relever tous les défis liés à la communication virtuelle. Le toucher pourrait peut-être manquer. La grande question sera de comprendre quelles informations ont du sens dans un environnement de communication numérique. Est-il utile de transmettre les odeurs? Ou serait-ce pertinent de mesurer la fréquence cardiaque d’un interlocuteur pour que son hologramme manifeste son niveau de stress? La recherche en psychologie a généré passablement de connaissances au sujet de la collaboration en contexte réel. Mais nous n'en sommes qu'au tout début concernant la collaboration virtuelle.

Webcode
DPF8_8498