Interview

Catherine Crowden, BSI: «Les gens ont peu conscience de la valeur de leurs données»

par Interview: Rodolphe Koller

Catherine Crowden, responsable marketing de l’éditeur de CRM suisse BSI, répond à nos questions sur l’étude menée par son entreprise à propos de leur disposition à révéler leurs données.

Avant de rejoindre BSI, Catherine Crowden a collaboré à l’institut Gottlieb Duttweiler. (Quelle: HJ Grau)
Avant de rejoindre BSI, Catherine Crowden a collaboré à l’institut Gottlieb Duttweiler. (Quelle: HJ Grau)

Entretien avec Catherine Crowden, responsable marketing chez BSI. L’éditeur de CRM suisse a publié l’étude «Darf ich wissen wer du bist? Merhrwert der Identifikation aus Kundensicht», abordée dans notre article: Vos clients sont-ils prêts à se dévoiler?

Les entreprises manquent-elles vraiment de données sur les clients ? Ou n’utilisent-elles pas les données qu’elles ont déjà?

Il est vrai que de nombreuses entreprises disposent de données qu’elles ne sont pas en mesure d’exploiter. Principalement parce que les données sont dispersées dans différents systèmes, parfois de façon redondante ou qu’elles sont mal structurées. Des fois les collaborateurs n’ont pas accès aux données dont ils auraient besoin, car elles sont cantonnées à une fonction ou à un canal et ne sont pas partagées. Mais il arrive aussi souvent que des entreprises n’aient pas de données sur leurs clients. Parce qu’elles s’intéressent surtout à leurs produits, parce qu’elles les distribue via des revendeurs – les raisons sont diverses. C’est à cette problématique que s’intéresse notre étude en cherchant à comprendre ce que les sociétés peuvent faire pour obtenir les données sur leurs clients.

A ce propos, votre enquête montre que les gens sont généralement sensibles à la protection de leurs données personnelles, mais qu’ils se dévoilent volontiers lorsqu’on les met devant une situation concrète. Ce résultat vous a-t-il surpris?

Oui, cela nous a surpris. Les gens sont en général réticents à dévoiler leurs données, mais il suffit que le bénéfice proposé en contrepartie soit élevé pour que leur préoccupation disparaisse… Et cela se reflète dans d’autres résultats de l’étude. Ainsi par exemple, une majorité des personnes sondées disent qu’elles ne souhaitent s’identifier dans un magasin qu’au moment du passage à la caisse. Mais, dans les faits, les clients de Coop ou Migros utilisent sans réserve des appareils de self-scanning qui les forcent à s’identifier dès leur entrée dans le centre commercial.

L’étude montre aussi l’attrait des contreparties financières pour inciter les clients à s’identifier…

Cela n’est pas surprenant. Les gens ont peu conscience de la valeur de leurs données, mais ils perçoivent clairement la valeur d’un rabais ou d’un bon-cadeau. Ceci dit, les contreparties financières sont les moins intéressantes à terme et, de mon point de vue, les moins pertinentes. Il y a tellement d’autres choses attrayantes à proposer pour inciter les clients à dévoiler leurs données. Les avantages par exemple, comme un passage accéléré en caisse, sont d’excellentes raisons pour les clients de s’identifier. Et cela peut aller jusqu’à la personnalisation des produits et services pour les rares entreprises qui en sont capables.

En même temps, une entreprise ne devrait pas demander de données si elle n’est pas en mesure de les utiliser pour améliorer l’expérience du client…

Tout à fait. Nous recommandons à nos clients de faire preuve de mesure et de patience. Au premier contact, on ne demande pas au client son âge, s’il est marié ou quelle est sa pointure, sinon il s’en va. Il faut commencer par demander uniquement les données nécessaires au processus dans lequel on se trouve. Au fur et à mesure de la relation, on en apprend davantage et on sollicite de nouvelles informations. Si je demande à la Poste où est mon colis, elle n’a pas besoin d’en savoir beaucoup sur moi. Pour que je donne davantage de données personnelles, il faut que l’entreprise soit en mesure de m’offrir davantage en échange. Par exemple, la société de location de véhicules Hertz permet d’obtenir immédiatement la voiture louée si l’on accepte de s’identifier. Non seulement le service offert en contrepartie a une grande valeur, mais c’est en plus un outil de fidélisation.

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