Interview

Robert Bornträger, Six: «L'IT est un prodigieux moteur d'innovation»

| Mise à jour
par George Sarpong

Robert Bornträger est Division CEO Global IT de Six. Il explique pourquoi le rôle du CIO gagne en importance avec la numérisation et pourquoi l'entreprise soutient les start-up.

Robert Bornträger dirige la division Global IT du prestataire de services financiers Six. (Quelle: Netzmedien)
Robert Bornträger dirige la division Global IT du prestataire de services financiers Six. (Quelle: Netzmedien)

Il y a un an, vous avez été nommé Division CEO Global IT. Pourquoi cette fonction est-elle nécessaire?

Afin de favoriser les synergies mais surtout la stabilité de l'entité, nous avons toujours géré l'exploitation de l'infrastructure informatique de manière centralisée. Le développement était en revanche géré  de façon décentralisée. Au fils des ans, nous avons constaté que, avec cette forme d'organisation, il s'avère toujours plus difficile de trouver les personnes adéquates, disposant des aptitudes nécessaires, notamment pour mener à bien de grands projets. Une organisation décentralisée entrave l'échange des savoirs et aboutit à une répartition des ressources. Il est donc difficile de profiter des avantages du management distribué (Crowd Management) et du partage de compétences (Skill Sharing). La séparation stricte de notre développement applicatif s'opposant à cette tendance, nous avons désormais tout regroupé et placé sous une responsabilité globale.

Quels sont les inconvénients de la centralisation?

On risque de s'éloigner trop du business ou de devenir trop formaliste. Un regroupement pourrait aussi inutilement compliquer les processus et donc les ralentir. Lors du développement de nouveaux processus et de l'organisation, il importe de toujours garder le client en ligne de mire et de placer les avantages client au centre de nos actions afin de contrer ces risques.

Au bout d’un an, j'imagine que le processus de centralisation n'est pas encore bouclé à 100%. A quoi vous employez-vous encore à cet égard?

En effet, la transformation n'est pas encore tout à fait finie. Nous avons toutefois achevé l'an passé avec succès la première phase, qui concernait les activités suisses. Nous terminerons la dernière phase, c'est-à-dire la mise en œuvre internationale, à la fin de cette année. Ce n’est qu’ensuite, que nous pourrons également établir des modèles opérationnels globaux. Les différents niveaux – exécution (développement et exploitation), architecture, gestion de projet, sécurité, etc. – qui opéraient avant de manière relativement autonome, doivent être harmonisés. Le partage d'architecture permettra à l'avenir d'exploiter les synergies entre les différentes architectures. En outre, nous souhaitons créer des services communs. Comme nous étions organisés de manière décentralisée, nos clients finaux disposent de très nombreuses interfaces avec l’IT. Chose que nous voulons aussi simplifier. Ces tâches nous occuperont durant les deux à trois prochaines années. L'innovation et l'efficience constituent également des priorités.

Ces dernières années, le rôle du CIO a beaucoup évolué. Comment vivez-vous ces changements?

L'IT est devenue un prodigieux moteur d'innovation. Le CIO se mue de plus en plus en responsable de la transformation dans une organisation, car qui dit innovation dit changement. La stricte séparation entre business et IT tend à disparaître. Ce qui représente à la fois une chance et un défi, puisque les deux domaines ne parlent pas toujours la même langue. L'une des tâches du CIO consiste à rapprocher l'IT du business et le business de l'IT. Il joue un rôle important de médiateur au sein de l'organisation. Le CIO ne s’occupe plus simplement de technologie, mais aussi de ressources humaines, de modèles de comportement, de valeurs et de transformations de l'organisation.

Le CIO a-t-il perdu du pouvoir au cours de ces dernières années?

Je ne pense pas. Il a plutôt gagné en importance. On lui a octroyé une plus grande responsabilité, mais il doit, en échange, être davantage à l'écoute des autres. En effet, avoir une certaine disposition à coopérer est aujourd'hui une condition requise pour ce job.

Venons-en à la sécurité informatique: un thème capital dans le secteur bancaire. Quelles sont les menaces auxquelles vous êtes confronté?

Il existe en réalité trois catégories de cybermenaces. Premièrement, il y a le «pirate indépendant», qui attaque des cibles déterminées pour acquérir une certaine réputation. La deuxième catégorie de menaces provient des criminels économiques. Ils sont bien organisés et ils ont un business case avec un objectif de succès financier. Les dark nets et les closed user groups permettent aujourd'hui de se procurer des outils ou des services de piratage complets, quasiment du Hacking-as-a-Service. La troisième catégorie, un véritable phénomène depuis peu, regroupe les pays et les organisations étatiques qui s'immiscent dans le monde de la cybercriminalité. Pour toutes les catégories, nous devons considérer aujourd'hui que la partie adverse est au moins aussi intelligente et aussi bien équipée techniquement que nous le sommes. Les choses se compliquent encore par le fait qu’on ignore si des backdoors sont intégrées dans les produits IT. Et enfin, la manière de procéder des attaquants a changé et gagné en sophistication. Dans le cas des menaces Persistantes avancées, l'attaquant cherche à atteindre l’entreprise en exploitant les failles dans son organisation ou dans celle de ses fournisseurs. Il faut ainsi abandonner l'idée de vouloir se protéger uniquement contre l'extérieur – chose qui ne sera jamais possible à 100%. En plus de la protection du périmètre, nous devons déployer davantage de solutions permettant de détecter et d’exclure un intrus aussi rapidement que possible.

Comment gérez-vous l'innovation chez Six?

L'innovation voit notamment le jour dans notre incubateur fintech «F10», un nouveau centre d'innovation mis en service cette année, et situé au cœur de Zurich Ouest. Cette organisation fonctionne séparément de nos systèmes; elle possède sa propre infrastructure IT, qui fonctionne en dehors de nos prescriptions d'architecture et de gouvernance informatique. C'est là qu’avec nos responsables métiers et nos clients, les idées les plus folles émergent, que sont développées de nouvelles solutions métier, c’est un endroit où l’on pense «out of the box». Dans l'incubateur, nous travaillons très vite et en petits groupes, nous fabriquons des prototypes et nous lançons rapidement des solutions sur le marché pour savoir au plus tôt si cela fonctionne ou non. On suit la devise «fail fast» de la Silicon Valley. Si on constate qu'une solution fonctionne bien, nous l'intégrons à Six.

Avec quelles organisations ou écoles supérieures l'incubateur «F10» coopère-t-il?

Nous avons conclu un partenariat avec Impact Hub pour avoir accès à son réseau mondial et à son expertise. Nos équipes de l’incubateur peuvent ainsi connaître les points de vue et échanger avec des développeurs du monde entier. Outre le personnel permanent, nous hébergerons également trois à quatre start-up fintech. Les jeunes pousses peuvent nous soumettre leur candidature. Il n'y a d'ailleurs aucune embûche, et nous ne revendiquons aucun droit de propriété intellectuelle. En mettant un espace de travail à disposition des start-up nous voulons stimuler les échanges. Mais nous participons également à divers groupes de travail, à l'instar du projet de parc technologique de Dübendorf ou encore de l'initiative Digital Zurich 2025.

Comment aidez-vous les banques propriétaires de Six à se digitaliser?

De nombreux établissements du secteur bancaire et financier s'occupent aujourd'hui déjà de leur transformation digitale. En tant que prestataire pour les banques, nous voulons les y aider. Il s'agit, au sens le plus large, de l'externalisation des processus métiers. Un bel exemple d'un tel processus que nous avons réalisé pour les banques est le projet ATM-Futura, qui concerne la gestion des bancomats. Auparavant, les banques géraient elles-mêmes leurs bancomats, et il y avait des dizaines de systèmes logiciels propriétaires. A un moment donné, elles ont réalisé que le développement de logiciels pour les bancomats et l’exploitation des appareils ne font pas partie de leur cœur de métier, et elles ont décidé de nous confier ces tâches. Nous travaillons d’ailleurs déjà à la deuxième release.

Comment estimez-vous l'état de l'IT de Six en comparaison internationale?

En termes de taille, nous faisons partie des dix plus grandes entreprises informatiques de Suisse. Nous revêtons une importance systémique en Suisse, au Luxembourg et en Autriche. Comparé à un gestionnaire de cartes américain, nous sommes néanmoins petits. Et à l'échelle mondiale, nous ne sommes évidemment pas grand chose. Toutefois, du point de vue qualitatif, nous sommes à la pointe. Nous avons non seulement réussi une transformation complète avec une amélioration en continu, mais nous offrons aussi de nombreux systèmes IT efficaces, stables et hautement disponibles, et pour certains uniques au monde. Bien entendu, nous avons toujours un potentiel d'amélioration, notamment en matière d'exécution des projets (delivery). Cependant, en termes d'architecture et de technologie, nous comptons assurément parmi les entreprises leader à l'échelle mondiale. Quand nous discutons avec nos fournisseurs de technologies, ils sont toujours étonnés des exigences que nous leur posons pour une PME suisse de 4000 collaborateurs. Nous traitons des quantités de données extrêmement volumineuses et nous avons de hautes exigences en matière de disponibilité.

Quels sont vos objectifs pour les années à venir?

Nous souhaitons nous rapprocher et collaborer plus étroitement avec nos clients. Les projets communs sont toujours plus dynamiques. Comme mentionné, nous voulons améliorer et professionnaliser davantage l'exécution des projets. Je souhaite obtenir un taux de réussite plus rapide et plus élevé. De plus, au cours des prochaines années, je voudrais voir Six devenir la Swiss Innovation Company de l'écosystème fintech. Quant à l'architecture et à la technologie, j'entends poursuivre sur la même voie. Vu que nous sommes maintenant une grande organisation IT, je veux exploiter toutes les possibilités, continuer de simplifier, de rationaliser, d'harmoniser. Je souhaite accroître l’efficacité de notre factory.  Je veux que l'informatique de Six fasse un nouveau bond en avant.

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