Analytique & Ressources humaines

RH: les employés mesurés sous toutes les coutures

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Les ressources humaines disposent désormais d’outils pour mener des analyses approfondies et prédictives. En mesure d’optimiser la gestion des talents et donner un rôle plus stratégique aux RH, leur adoption bute sur divers obstacles.

Avec la multiplication des sources d’informations et l’avènement de technologies permettant de passer toute sorte de données au peigne fin, les ressources humaines ont un rôle à jouer dans la transformation numérique des entreprises. Les RH tendent à s’émanciper d’une fonction de fournisseur de services pour davantage prendre part aux prises de décisions stratégiques. Pour poursuivre cet objectif, les RH investissent toujours plus dans de nouveaux outils technologiques, indique un récent sondage de KPMG(1). Début 2015, le cabinet observait que jamais autant d’entreprises ne planifiaient le remplacement prochain de leur système de gestion RH (SIRH).

Des KPI au service des ressources humaines

En tirant profit d’indicateurs clé de performance (KPI), les RH ont la possibilité de présenter au CFO et CEO des chiffres rendant compte de leur impact sur la bonne marche de l’entreprise. Sur ce point, le cabinet Michael Page(2) remarque qu’en Suisse, les deux indicateurs aujourd’hui les plus couramment  utilisés sont le rendement des employés et le turnover (rythme de renouvellement des effectifs). Suivent l’efficacité de la politique de recrutement, l'engagement (implication) au travail, les compétences des employés et la gestion de leur performance. En se basant sur des KPI fiables, les RH ont aujourd’hui l’opportunité de mener des analyses approfondies historiques et prospectives, avance KPMG dans une étude parue cette année(3), laquelle rapporte le cas d’usage concluant de la Banque royale du Canada. Cette dernière a su tirer profit d’une analyse combinée de données RH et commerciales, en découvrant une forte connexion entre la performance d’une succursale et le degré de croyance des employés en la compétitivité de la banque.

L’analytics pour mieux recruter ou gérer le turnover

Pour mettre en place une stratégie RH basée sur des données probantes, le métier a aujourd’hui à disposition un éventail d’outils et d’applications. Certains éditeurs, dont ADP, Workday, SAP ou encore Oracle, misent sur le big data appliqué aux RH, en proposant des solutions de gestion des talents reposant sur des algorithmes d’analyse prédictive. Ceux-ci permettent d’affiner le recrutement, la sélection des candidats à un nouveau poste pouvant s’effectuer à l’aune de données caractérisant les employés déjà en fonction les plus performants. L’analyse de données au service des RH («HR analytics») sert aussi à calculer le risque qu’un employé quitte l’entreprise avant un certain délai et à prévoir des actions préventives ultra ciblées. Le management RH peut en effet savoir quelle proposition (une augmentation de salaire, une promotion ou encore une relocalisation alléchante) présente le plus de chances de convaincre un employé de rester, et ce en fonction du profil unique de ce dernier. Pour illustrer le potentiel de l’HR analytics, Deloitte évoque dans un rapport de 2014(4) le cas d’une firme pharmaceutique qui a réduit le taux de turnover trop élevé de ses forces de ventes. La firme a pour ce faire élaboré un modèle prédictif basé sur un algorithme qui brasse de nombreux facteurs, aussi bien l’âge et l’ancienneté que les différents changements de fonction, ainsi que le salaire et l’évolution de celui-ci.

Connaître les attentes des collaborateurs en temps réel

Smartphones, tablettes s’étant faits une place dans le monde professionnel, les RH innovent en faisant de plus en plus appel aux technologies mobiles, indique KPMG. Des applications d’entreprise peuvent par exemple être déployées en vue de récolter différents feedback en temps réel de la part des collaborateurs. Lors du dernier Salon RH de Genève, Rémy Tzaud, directeur de l'unité Ressources Humaines chez T2i nous a expliqué que «HR Café», le nouveau SIRH développé par le groupe en collaboration avec le consultant Maxime Morand (lire interview), allait évoluer dans ce sens. Pensé pour optimiser le pilotage de la stratégie RH en rassemblant au sein d’une même interface de multiples indicateurs contextualisés, «HR Café» va dans un second temps intégrer des fonctionnalités qui permettront de connaître, en temps réel, les attentes des collaborateurs et de mesurer leur satisfaction. «En laissant les employés exprimer leur humeur et leurs coups de gueule via une simple application mobile, il sera ainsi possible d’agir de façon adéquate sans devoir attendre le bilan d’évaluation de fin d’année», explique Rémy Tzaud. A l’avenir, il est aussi prévu que le ce logiciel en mode SaaS intègre des capacités d’analyse prédictive. Mais seulement une fois qu’une réelle demande dans ce sens se fera sentir chez les clients, confie Sebastian Strehmel, chef de projets chez T2i.

Quels freins à l’adoption du HR analytics?

La gestion des ressources humaines reste pour l’heure, il est vrai, essentiellement fondée sur des analyses intuitives, fait remarquer KPMG. Le cabinet observe que plus d’un tiers des entreprises ne se servent pas encore d’outils RH tirant profit du big data. En outre, parmi celles qui ont déjà franchi le cap, beaucoup concèdent ne pas être prêtes pour en exploiter tout ce potentiel, notamment en raison d’un manque de compétences en science des données («data science»). Selon Deloitte, une majorité d’entreprises a tout de même l’intention d’aller de l’avant en complétant leur équipe de gestion des talents avec des data scientists, une démarche vue par Deloitte comme une condition sine qua non à l’élaboration d’une approche de gestion des ressources humaine fondées sur des données. Un autre frein à l’adoption d’une telle approche, mentionné par KPGM, se rapporte à la structure organisationnelle. Pour constituer des indicateurs probants, les données RH doivent en effet être combinées avec d’autres données, financières et commerciales. Une organisation en silos limite de fait la circulation de ces informations.

Un autre obstacle qui ne peut être ignoré concerne la protection de la sphère privée. Les mêmes enjeux que ceux liés à la collecte de données personnelles d’internautes se posent bien sûr avec l’analyse d’indicateurs issus de l’activité des employés. Les entreprises se devront de prendre garde à rendre les données anonymes ou, au moins, laisser les collaborateurs choisir comment ils permettent que leurs données soient exploitées. A l’image des consommateurs, les employés ne s’opposeront pas à l’utilisation de leurs données s’ils perçoivent en retour un bénéfice réel. Gageons que si des mesures de performances traduisent effectivement une réalité et que les managers distribuent des bons points en conséquence, les employés n’auraient rien contre… Du moins les plus productifs.

(*) Références:
1. «HR Transformation Survey», KPMG, 2015
2) «Global Insights HR Barometer», Michael Page, 2015
3) «Evidence-based HR: The bridge between your people and delivering business strategy», KPMG, 2015
4) «Global Human Capital Trends», Deloitte, 2014



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