Big data & supply chain

Big data, un océan d’opportunités pour la supply chain

| Mise à jour
par Rodolphe Koller

Les technologies big data ont beaucoup à apporter à la supply chain: optimisation des réseaux de distribution, réduction des inventaires, réponse anticipée à une demande volatile.

Et si le principal atout du big data résidait dans l’optimisation de la supply chain? Alors que l’on débat beaucoup de l’analyse de larges volumes de données à des fins marketing, l’essor des technologies big data est tout aussi prometteur dans le domaine de la chaîne d’approvisionnement – «la logistique et le big data forment un mariage parfait», osent même les auteurs d’un rapport de DHL sur le sujet.
Dans tous les cas, les spécialistes suisses de la logistique semblent attentifs aux sirènes du big data, si l’on en croit le succès du forum sur le sujet organisé en mars dernier par l’association faitière GS1. Au menu, des présentations des fournisseurs technologiques – IBM, Swisscom, Teradata - mais aussi le retour d’expérience et les projets en cours de sociétés suisses qui recourent déjà au big data dans leur logistique. Ces cas restent cependant encore rares, et l’intérêt pour le big data n’est encore qu’exploratoire dans la majorité des entreprises suisses. Selon une enquête conduite par GS1 et la chaire de management de la logistique de l’Université de Saint-Gall, seul un petit 8% des entreprises du pays exploitent aujourd’hui le big data dans leur supply chain et 16% sont à même d’en donner une définition précise.

Les entreprises logistiques pionnières

Sans surprise, les entreprises actives dans le transport et la logistique jouent les pionnières en matière de big data, a-t-on pu se rendre compte lors du forum de GS1. Chez elles en effet, l’optimisation des systèmes d’approvisionnement et de distribution est un enjeu central avec un impact important sur les revenus et la profitabilité.

A l’instar de La Poste qui a présenté ses projets big data actuels et à venir tant dans le domaine du courrier que des colis. Pour PostLogistics, le big data présente de multiples opportunités de mieux servir la clientèle et de développer de nouveaux services, a expliqué Stefan Regli, responsable marketing de la division. Le géant jaune qui a déjà étendu ses options de livraison (weekend, sur le lieu de travail, automates à colis) pourrait à l’avenir profiter de ce qu’il sait de ses clients pour personnaliser son service. Concrètement, la livraison d’un colis à un destinataire dont on sait qu’il est systématiquement absent les lundis et présent les mardi pourrait être automatiquement programmée pour ce jour. Autre exemple, la planification optimisée et dynamique des tournées et une meilleure gestion de la flotte grâce à l’analyse de données granulaires en temps réel. Et notamment des 4 millions de messages quotidiens générés par les unités télématiques à bord des fourgonnettes. L’exploitation de ces big data pourrait typiquement éviter des fourgons partant à moitié vide ou identifier de façon adhoc la possibilité d’effectuer des livraisons supplémentaires.

Dans un tout autre registre, le transporteur autrichien Gebrüder Weiss a lui aussi mis en œuvre un projet big data. L’objectif de la firme était d’identifier de façon anticipée les raisons pouvant conduire à la perte de clients (churn). La société de transport utilise à cette fin des technologies big data pour analyser des données provenant à la fois de son CRM et de ses systèmes opérationnels et financiers. La solution mise en place lui permet désormais de pronostiquer le risque de perte d’un client – typiquement pour des problèmes de livraison récurrents - et d’en avertir les vendeurs pour que ceux-ci prennent rapidement contact avec le client et rétablissent la relation.

Egalement présent au forum de GS1, la société DHL est très active dans le big data. Responsable BI au sein de la division finance globale de l’entreprise à Bâle, Djamel Djedid a présenté un projet montrant combien big data et BI traditionnelle peuvent faire bon ménage. La société exploite en effet une plateforme big data hébergée dans le cloud pour ingurgiter et traiter les millions de données provenant de ses entrepôts et alimenter ensuite son tableau de bord de business intelligence avec des informations digestes.

Des opportunités tout azimut

Ces quelques exemples montrent la diversité des applications du big data dans la logistique. Avec pour dénominateur commun, le traitement de données répondant aux fameux trois V - vitesse, variété et volume - le big data répond à beaucoup des défis posés aux responsables des chaînes d’approvisionnement et de distribution. D’abord, des données en grande quantité présentes dans des systèmes peu intégrés, auxquelles vont encore s’ajouter les données produites par les objets connectés. Ensuite, l’exigence du business que la supply chain fasse preuve de davantage d’agilité pour répondre et anticiper les demandes toujours plus fluctuantes du marché. Enfin, l’optimisation et la limitation des coûts des opérations, du transport et des inventaires.

Selon deux rapports parus cette année (Boston Consulting Group, Supply Chain Insights), quatre axes se dessinent où la supply chain peut profiter du big data:

  1. Planification stratégique du réseau
    Avec des entrepôts, des fabriques, et des centres de distribution disséminés, la planification des réseaux logistiques défie les méthodes d’optimisation traditionnelle. Le big data doit aider au façonnage du réseau avec à la clé davantage de rapidité, des coûts de fret et d’entreposage réduits et une diminution de l’empreinte écologique.
  2. Optimisation dynamique des livraisons
    L’analyse big data ouvre la voie au monitoring et à l’optimisation en temps réel des livraisons. Grâce aux données de localisation provenant des équipements télématiques des véhicules, et à des données tierces comme le trafic routier, il est possible de décider de re-router des livraisons de manière dynamique et de les calibrer jusqu’au niveau de la rue (last mile). Avec un impact positif sur les coûts de transport.
  3. Supply chain basée sur la demande
    La gestion de la supply chain repose majoritairement sur les prévisions des ventes, souvent imprécises par rapport à une demande volatile et à des portefeuilles de produits complexes. L’analyse combinée de nouvelles sources de données externes (fournisseurs, senseurs, réseaux sociaux, environnement) permet de répondre mieux et plus vite aux changements de demande. A la clé une meilleure performance et une réduction des inventaires.
  4. Résilience et gestion du risque
    La gestion du risque est un autre domaine rendu difficile par la complexité des réseaux d’approvisionnement et de distribution. Le big data permet de mieux identifier les facteurs de risque (routes, équipements, fournisseurs) au sein de cet enchevêtrement. Des travaux de maintenance prédictive peuvent être entrepris. D’autre part, l’analyse de données des réseaux sociaux peut contribuer à détecter des incidents avant que ceux-ci ne viennent aux oreilles et soient rapportés par le service client. Enfin, l’exploitation de senseurs et de codes QR peut aider à surveiller la chaîne du froid pour les produits sensibles ou les cas de contrefaçon pour les produits de luxes, et à réagir en conséquence.

Des feuilles de calcul au big data

L’analyse de données est déjà employée par la plupart des organisations au niveau de leur supply chain. Pour autant, celle-ci est pour l’heure focalisée sur le reporting et la planification et peu imbriquée dans les opérations, tant au niveau des processus que des systèmes. Dans de nombreux cas, la logistique est gérée via de savants tableaux Excel intégrant des données éparses. Et l’essentiel des investissements IT est vraisemblablement consacré aux ERP et autres applications dédiées.

Investir dans le big data peut dès lors sembler un saut trop conséquent. La plupart des enquêtes montrent un intérêt généralisé pour le concept, mais peu de cas concrets d’implémentation. Et les arguments sont légion pour attendre. Les responsables logistiques sondés par l’Université de Saint-Gall blâment notamment le manque de maturité des technologies big data -  sans doute un faux procès. On peut aussi expliquer les réticences par la difficulté à recruter des spécialistes ou par la nécessité de commencer par nettoyer et intégrer les données déjà disponibles.

Ces obstacles sont en partie fictifs et dans tous les cas pas insurmontables. Pas besoin d’être Amazon pour profiter du big data. L’exemple de DHL montre qu’il est possible de profiter rapidement de ces technologies sans développer pour autant des compétences particulières à l’interne. D’autre part, le big data ne requiert pas nécessairement l’intégration préalable de toutes les données de la supply chain. Enfin, l’apport du big data ne passe pas forcément par l’exploitation de données externes. Le volume, la variété et la vitesse à laquelle les données sont produites par les systèmes existants suffisent allègrement à justifier l’emploi de technologies big data.

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