Elections parlementaires

Elections fédérales: les positions des partis sur les enjeux numériques

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A l’approche des élections fédérales, partis politiques et parlementaires nous font part de leurs positions sur les enjeux liés au numérique.

Omniprésent dans les entreprises et chez les particuliers, le digital devient de plus en plus une question également politique. Les enjeux nationaux entourant le numérique ont ainsi suscité de nombreux débats – parfois vifs – durant la législature 2011-2015. Certains objets ont abouti à de nouvelles lois, alors que d’autres sont en cours de discussions et nourriront sans doute encore les débats de la nouvelle législature, qui débute cet automne. A l‘approche des élections fédérales du 18 octobre, ICTjournal et la Netzwoche ont récolté les positions des partis et de parlementaires sur des thèmes d’actualité touchant l’informatique et le numérique. Nous vous proposons ci-après une synthèse des avis convergents ou divergents sur des sujets allant de la neutralité du net à la surveillance, en passant par la place de l’informatique à l’école.

1. La neutralité du net reste d’actualité

L’entrée en vigueur d’une loi en faveur de la neutralité du net, qui limiterait le pouvoir des opérateurs sur le trafic de données, n’est pas encore à l’ordre du jour en Suisse. Le Conseil des Etats s’est prononcé en mars contre une motion allant dans ce sens. Pour autant, tous les partis s’accordent à dire que la neutralité du net reste dans le champ du débat politique et le thème reviendra dans les discussions autour de la révision de la loi sur les télécommunications. Le PS, l’UDC, les Verts et les Verts libéraux se sont exprimés pour une légifération. Les Verts jugent par exemple important de se doter d’un cadre légal pour éviter que les fournisseurs d’accès ne se muent en fournisseurs de «permis d’innover» en contrôlant abusivement  les niveaux de services. Le PLR est le seul parti à se prononcer clairement contre une légifération. «La Suisse a fait le choix précoce de permettre une concurrence dans le domaine des infrastructures et il existe de nombreux réseaux différents. Nous pouvons ainsi considérer que le marché bénéficie d’ores et déjà d’une neutralité du net», estime le conseiller national PLR Ruedi Noser.

2. Des lois aux implications divergentes

Deux objets parlementaires ont suscité de vifs débats sous la coupole ces derniers mois: la nouvelle Loi sur le renseignement (LRens), approuvée par les Etats, et la révision de la Loi sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT), acceptée par le Conseil national. En cas d’acceptation définitive de ces lois, des référendums sont prévus. Ces derniers ne seront pas soutenus par la droite qui, à l’instar du Parti bourgeois démocratique (PBD), juge ces lois adéquates afin de donner au service de renseignement des moyens modernes pour lutter contre le crime organisé. Les partis de gauche devraient soutenir un référendum contre la LRens, mais ils attendent le contenu de la version finale des textes pour se prononcer quant à la LSCPT. Pour Jean Christophe Schwaab, député socialiste, les implications divergent passablement: «La LRens permet la surveillance préventive par des services de renseignements mal contrôlés et souvent mal contrôlables, alors que la LSCPT vise à permettre une surveillance répressive en cas de soupçon de crimes graves, sous le contrôle strict des tribunaux et à des conditions beaucoup plus drastiques que celles prévues par la LRens.»   

3. Quelle place pour l’enseignement de l’informatique dans les écoles?

Faut-il introduire l’enseignement de la programmation dès le plus jeune âge? La question se pose à l’heure où savoir coder devient une compétence précieuse sur le marché du travail. Or l’enseignement de l’informatique n’est ni harmonisé ni obligatoire au niveau national. A part l’UDC, tous les partis se positionnent à l’unisson en faveur d’une introduction précoce de cours d’informatique plus poussés que ce qui est prévu dans les programmes et projets des plans d’études en Romandie et outre-Sarine (PER et Lehrplan 21). Le PBD et les Verts libéraux objectent néanmoins que l’enseignement de la programmation dès le primaire ne paraît toutefois pas réaliste. Pour la conseillère nationale Edith Graf-Litscher (PS), l’éducation numérique des enfants est dans tous les cas une priorité: «Afin de faciliter l’égalité des chances, une alphabétisation numérique doit être ancrée à tous les niveaux du cursus scolaire en complément  des techniques culturelles que sont la lecture, l’écriture et le calcul.»

4. Dossier électronique du patient: nouveau cadre légal jugé approprié

Pour que la stratégie de cybersanté de la Confédération rime avec succès, des réglementations à différents niveaux sont nécessaires pour mettre en place un dossier électronique du patient au niveau national. Bernhard Guhl, député PBD, souligne sur ce point: «La définition d’interfaces claires représente l’alpha et l’oméga du dossier électronique du patient. Il faut éviter la multiplication de solutions propriétaires isolées.» Un consensus se dessine entre les réponses des partis, qui jugent que la nouvelle loi fédérale sur le dossier électronique du patient, adoptée le 19 juin, va dans le bons sens. Pour le PLR, cette dernière constitue ainsi un cadre légal approprié, fixant les modalités pour le développement et l’utilisation du dossier électronique du patienté. La loi devrait permettre d’assurer, à terme, une interopérabilité technique à condition que la réglementation soit respectée, souligne le PDC. Le PS et plusieurs députés rappellent en outre l’importance de garantir dans le cadre de ce dossier la sûreté de l’information et la protection des données.

5. Vers une aggravation de la pénurie de spécialistes IT?

L’initiative sur l’immigration de masse, acceptée en février 2014, prévoit de fixer des contingents annuels du nombre d’immigrants dans notre pays. Une perspective qui pourrait avoir des conséquences négatives sur le recrutement déjà tendu de spécialistes IT. Le PDC, le PLR et le PDC craignent ainsi qu’une limitation de l’immigration n’augmente la pénurie d’informaticiens qualifiés. Le PLR fait observer que l’industrie suisse des TIC a besoin de travailleurs hautement qualifiés, une mise en œuvre bureaucratique de quotas et de solutions similaires serait dès lors un désavantage concurrentiel. Sans surprise, l’UDC n’envisage pas un tel scénario et rétorque que l’initiative ne parle pas de stopper l’immigration, mais de la réguler en tenant compte des besoins économiques globaux. CEO de Green.ch et président de la section lucernoise de l’UDC, Franz Grüter commente: «Recruter à l’étranger pourra se faire seulement quand un poste ne peut pas être assuré par la main-d’œuvre locale. C’est d’ailleurs ce qui se pratique dans la Silicon Valley!»   

6. Centraliser les questions numériques de la Confédération?

Alors que le numérique suscite de nombreuses opportunités et dangers pour l’économie et les citoyens, la Confédération doit-elle créer un secrétariat d’Etat aux questions numériques pour coordonner la stratégie du pays en la matière? Aucun parti ne répond clairement par l’affirmative, bien que les Verts et le PLR paraissent d’avis qu’une telle coordination devrait être étudiée. Le député PS Jean Christophe Schwaab se prononce, lui, explicitement en faveur de la création d’un secrétariat d’Etat aux questions numériques. En revanche, le PBD le PDC, les Verts libéraux et l’UDC considèrent qu’une intervention de l‘Etat n’est pas opportune en la matière, appréhendant que celle-ci n’engendre trop de lourdeurs bureaucratiques. Pour Natalie Rickli, conseillère nationale UDC: «L’innovation est une question qui concerne le secteur privé et non pas l’Etat. De faibles impôts, moins de bureaucratie et de réglementations, voilà les bonnes conditions pour soutenir le secteur privé.»

7. Des accords commerciaux aux conséquences qui divisent

Encore en négociations, deux accords internationaux auront potentiellement un impact sur l’économie helvétique et en particulier le secteur IT: le Traité de libre-échange transatlantique (TTIP) et l’accord plurilatéral sur le commerce des services (TISA). Un clivage s’observe entre la gauche et la droite quant à l’impact éventuel des accords. Le PS et les Verts agitent le spectre d’une ouverture débridée des marchés. De son côté, la conseillère nationale Barbara Schmid-Federer (PDC) observe: «En cas de conclusion du Traité de libre-échange transatlantique, la plus grande zone de libre-échange du monde serait créée. Etant donné l’UE et les Etats-Unis sont les deux plus gros partenaires commerciaux de la Suisse, l’accord pourrait alors avoir des conséquences importantes pour notre pays.» Quant aux accords TISA, le camp rose-vert craint qu’ils n’engendrent une dégradation des services publics et une nouvelle vague de privatisations, tandis que la droite libérale espère que ces accords favoriseront les exportations.

8. Réserves sur l’adoption généralisée du vote électronique

Une adoption plus généralisée qu’actuellement du vote électronique est souhaitée par la majorité des partis du centre et de droite, seul l’UDC se prononçant clairement contre. Le parti estime qu’en dépit de toutes les mesures prises jusqu’à présent, la sécurité et la fiabilité du système ne sont pas garanties. Cet aspect pousse aussi la gauche à émettre plus de réserves que la droite classique. Le PS observe ainsi qu’une introduction complète exige une sécurité sans faille, afin de ne pas saper la confiance du peuple à propos des scrutins. Un point de vue que partage le conseiller national vert Balthasar Glättli: «Quand un système de vote électronique permettra non seulement la vérifiabilité individuelle de sa propre voix mais aussi la possibilité de vérifier l’ensemble du résultat global, et qu’il donnera un accès public au code source, alors je pourrai être d’accord avec le vote électronique.»

En résumé, il ressort sans surprise que l’UDC fait cavalier seul en matière d’immigration, le parti considérant  que le vote du 9 février n’impactera pas négativement le marché de l’emploi IT. Sans surprise non plus, un clivage gauche-droite tend à se dessiner (à quelques exceptions près) sur la répartition des rôles entre l’Etat et le privé sur des questions liées au numérique. En ce qui concerne la stratégie de cybersanté du pays, les partis amènent peu de propositions concrètes pour accélérer le déploiement d’un dossier électronique du patient standardisé au niveau national. Quant aux thèmes de la surveillance et du vote électronique, les réponses récoltées ne s’inscrivent pas dans une logique partisane, ces thèmes nourrissant les mêmes promesses et craintes que chez les citoyens. Reste désormais à savoir si ces différents enjeux s’imposeront comme des thèmes importants durant la campagne pour les élections fédérales (on en doute) ou s’ils resteront en marge, cantonnés au discours de quelques parlementaires spécialistes de ces sujets (probablement).

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