Interview

Christian Petit, Swisscom: «Il faut se donner du temps, en dépit d’un monde qui va vite»

| Mise à jour
par Interview: Rodolphe Koller

En décembre 2014, Swisscom annonçait l’acquisition de Veltigroup. Christian Petit (Swisscom), et Nicolas Fulpius (Veltigroup) expliquent ce que Veltigroup doit apporter à Swisscom et pourquoi ils ne veulent pas brûler les étapes de cette intégration.

Christian Petit, Responsable Enterprise Customers chez Swisscom (à gauche) et Nicolas Fulpius, CEO de Veltigroup et membre de la direction de la division Enterprise Customers de Swisscom (à droite).
Christian Petit, Responsable Enterprise Customers chez Swisscom (à gauche) et Nicolas Fulpius, CEO de Veltigroup et membre de la direction de la division Enterprise Customers de Swisscom (à droite).

Suite au rachat de Veltigroup par Swisscom, notre rédaction s'est entretenue avec Christian Petit (Responsable Enterprise Customers chez Swisscom) et Nicolas Fulpius (CEO de Veltigroup et membre de la direction de la division Enterprise Customers de Swisscom). Les deux managers expliquent les motifs de cette acquisition et comment ils comptent mener à bien cette intégration. 

Quelles sont les motivations et objectifs de Swisscom avec cette acquisition?

Christian Petit: Avant l’acquisition, nous n’avions que 10% de nos collaborateurs en Suisse romande, alors que la région représente un quart du PIB du pays. Nous n’avions donc visiblement pas suffisamment d’effectifs par rapport à des ambitions légitimes. Suite au rachat de Veltigroup, 20% des 5000 collaborateurs de la division entreprises sont désormais basés en Romandie. A ce premier motif s’ajoute le fait qu’en dépit d’une offre relativement large, nous n’avions pas toujours la bonne culture et la bonne approche pour adresser le mid market, où Veltigroup est justement très fort.

Nicolas Fulpius: Les petites et moyenne entreprises sont très représentées en Suisse romande et leurs besoins IT se situent à mi-chemin entre la standardisation et l’individualisation. Cette spécificité nécessite davantage une approche projet et de proximité qui est la force de Veltigroup. La combinaison de nos deux entreprises est donc un atout tant en Romandie que dans le reste de la Suisse.

Votre stratégie concerne donc non seulement la Romandie, mais aussi le mid market à l’échelon national…

Christian Petit: Il y a un an, nous avons réuni les B2B télécom et IT. Dans les télécoms, nous jouissons d’une pénétration nationale dans tous les secteurs d’activité. En revanche, dans l’IT, nous réalisons 90% de notre chiffre d’affaires avec 700 gros clients et notre pénétration du mid market est faible. Nous pensons que le modèle de Veltigroup est applicable sur l’ensemble de ce marché suisse. Pour les équipes de Veltigroup, je pense que le potentiel de croissance est même plus important en Suisse alémanique.

Comment caractériseriez-vous ce «modèle Veltigroup»?

Nicolas Fulpius: Il est composé de plusieurs facteurs: une forte proximité et un fort relationnel avec les clients, le fait de parler aussi bien à l’IT qu’aux CxO, une approche tournée davantage vers les services que les produits, une focalisation sur les besoins des entreprises.

Swisscom revendique aussi d’être à l’écoute et proche de ses clients…

Christian Petit: Oui, mais avec deux nuances. D’abord, la proximité que nous avons avec nos clients passe davantage par des services centralisés, que par la présence d’ingénieurs chez les clients. Ensuite, vu que nous travaillons sur de gros volumes, nous tendons naturellement à créer puis à vendre des produits standard. Veltigroup est davantage tourné vers l’élaboration de solutions personnalisées sur la base d’une large palette technologique. Un besoin d’individualisation que nous ne traitons pas toujours bien. Avec le rapprochement de nos entreprises, nous sommes en mesure de marier deux mondes. Celui des produits que l’on peut scaler. Et celui d’une approche plus individuelle, adaptée à des structures plus petites, qui vont évoluer chacune à leur rythme vers des offres davantage standardisées comme le cloud ou les managed services. C’est une combinaison extrêmement attractive.

A quel horizon Veltigroup va-t-il être intégré à Swisscom? Quelle transition est prévue?

Nicolas Fulpius: Nous allons procéder par étapes. Nous voulons prendre le temps pour faire les choses juste. Nous marions deux modèles et nous voulons réfléchir jusqu’à mi-2015, voire 2016, pour décider de la meilleure manière de les intégrer, de les combiner, de les mettre en commun. Dans une première phase, Veltigroup fonctionne de manière autonome, en tant qu’entité. Ce qui n’empêche pas qu’une coordination a déjà commencé, tant au niveau commercial auprès de clients communs que dans la réflexion sur les technologies et services que nous souhaitons mettre en avant. Dans une seconde phase, nous voulons que nos deux modèles fonctionnent comme une seule entité au niveau national, peut-être avec des modes de production différents.

Christian Petit: Dans le domaine du service, la composante humaine est essentielle. C’est pourquoi il faut se donner du temps, en dépit d’un monde qui va très vite. Il faut que les deux organisations apprennent à se découvrir, comme nous l’avons fait au niveau du management depuis que l’on discute de ce rapprochement. Notre travail consiste notamment à proposer des plateformes de rencontre entre les équipes à partir de projets concrets, de façon à ce que nos deux modèles, qui ont chacun leurs vertus, soient compris et respectés mutuellement. Une fois que cela est acquis, l’intégration se fait naturellement.

A vous entendre, tout semble ouvert et à définir. J’imagine que vous avez cependant une stratégie…

Christian Petit: Notre stratégie est claire, mais sa mise en œuvre est ouverte. Nous nous donnons la liberté de choisir notre horizon. Nous avons une vision et nous trouverons le bon timing.

Nicolas Fulpius: S’il y avait une recette toute faite pour intégrer deux sociétés, ça se saurait. Nous partageons des valeurs d’éthique du business et nous avons un véritable projet d’entreprise commun. Certaines équipes sont plus proches, certaines offres plus concurrentielles que d’autres, c’est pourquoi il nous faut du temps. Nous avons la chance que les deux entreprises sont des acteurs qui fonctionnent bien sur le marché.

Vous insistez beaucoup sur la dimension humaine de cette acquisition. Comment les collaborateurs de Veltigroup ont-ils réagi et comment éviter de les perdre dans ce processus?

Nicolas Fulpius: La première réaction des collaborateurs a bien sûr été la surprise. Et après l’intérêt et la curiosité. Il est difficile de trouver des perspectives plus intéressantes que le domaine technologique dans lequel nous nous engageons. Et puis ils ont vu combien le management était convaincu et engagé dans ce projet. Sans compter le message extrêmement positif que Swisscom compte sur nous pour construire une partie de leur chaîne de valeur, ce qui est aussi une reconnaissance du travail accompli et de la qualité des gens. Aujourd’hui, je vois beaucoup d’enthousiasme et d’envie de démontrer.

Christian Petit: Je vais être plus direct: en décembre, je pense que certains collaborateurs ont été non seulement surpris mais choqués et que beaucoup se sont posé des question légitimes. Est-ce que je vais exister dans une société de cette taille? Pourquoi dois-je sauter avec vous? Le choc passé, on passe des images aux premières expériences concrètes. Et là je sens que les choses prennent et que l’énergie est positive. En tant que plus grosse structure, c’est notre rôle que de créer un cadre où chacun ait sa place et trouve ses motivations. Le cœur de la motivation d’une personne avec des compétences techniques, c’est de travailler sur des projets passionnants. Je pense qu’avec notre rapprochement ces projets ne vont pas manquer. Nous avons une largeur de scope inégalée et nous avons la vision d’accompagner les entreprises dans leur transition digitale. Cela veut dire des projets rêvés avec de l’applicatif, du télécom, de l’infrastructure, de l’analyse de données,… De plus, cette intégration offrira des opportunités aux collaborateurs de se former et de se certifier dans des domaines nouveaux – notre champs d’action est large. Enfin, nous avons une culture d’entreprise respectueuse des hommes, où la contribution individuelle est vue et reconnue, en dépit de notre taille. Avec ces trois éléments, nous allons motiver la plupart à rester. Et si on les emmène avec nous, on a gagné.

Quels sont vos objectifs financiers?

Christian Petit: Nous pensons que l’activité IT est un vecteur de croissance pour Swisscom. La révolution digitale est porteuse d’investissements et va représenter une opportunité pour les prestataires IT pendant plusieurs années. Du côté de Swisscom, la fusion l’an dernier des domaines IT et télécom pour les entreprises a permis d’enregistrer une augmentation des commandes. L’intégration des services de Veltigroup correspond à une demande du marché et augmente notre capacité de prendre en charge de la complexité pour en délester les clients. Cette stratégie devrait donc nous permettre de croître en Suisse et en Suisse romande.

Webcode
1228

Kommentare

« Plus