Interview

Isidore Chirichiello, EHL: «Nous avons intégré dans le support la dimension d’accueil propre à l’école»

| Mise à jour
par Rodolphe Koller

Pour soutenir la croissance de l'Ecole hôtelière de Lausanne et offrir davantage de services numériques aux étudiants et collaborateurs, Isidore Chirichiello, CIO de l’institution s’attèle depuis deux ans à revoir fondamentalement son informatique.

Isidore Chirichiello, CIO de l'Ecole hôtelière de Lausanne
Isidore Chirichiello, CIO de l'Ecole hôtelière de Lausanne
Qu’est ce que l’informatique de l’Ecole hôtelière a de particulier?

J’ai rejoint l’Ecole hôtelière de Lausanne en juillet 2012, après avoir fait l’essentiel de ma carrière dans l’industrie. L’une des choses qui m’a frappé d’emblée et qui a exigé que je change de mode pensée, c’est l’accent porté à l’innovation. L’IT dans l’industrie est relativement formatée: on se focalise sur la réduction des coûts, sur la centralisation, sur l’outsourcing offshore, mais la créativité n’a que peu de place. Ici on peut tester des choses. On a aussi des contraintes budgétaires mais on réinvestit tout dans la machine. Outre les fonctions internes, il faut aussi répondre aux demandes particulières du monde académique, en termes de gestion des études, de services en ligne aux étudiants, de support, etc.

J’ai vu beaucoup d’étudiants avec des terminaux mobiles. Comment gérez-vous tous ces appareils? 

L’emploi de terminaux personnels par les étudiants est en effet une réalité chez nous depuis plusieurs années. Si l’on se réfère aux accès à nos 300 hotspots, chaque étudiant utilise en moyenne deux à trois appareils, du smartphone à l’ordinateur portable. Cette évolution nous a notamment conduits à augmenter la capacité de nos bornes en nombre de connexions et en débit. Et nous allons déployer une solution de single sign-on dans les mois à venir. 

A quels services les étudiants ont-ils accès depuis leurs appareils?

Ils ont d’une part accès à de nombreuses informations relatives à leurs études via notre intranet, ainsi qu’à notre plateforme d’e-learning «Moodle» où ils trouvent notamment leurs supports de cours, leur programme, leurs évaluations pour les travaux de groupe, des quizz. Une autre plateforme assure le lien entre les étudiants et le monde de l’entreprise avec des offres d’emploi ou de stages. Un projet est également en cours pour consolider nos plateformes digitales et déployer un CMS commun au site public, au site des alumni et à l’intranet. D’autre part, les étudiants doivent pouvoir utiliser certaines applications avec leur portable. Nous supportons donc par exemple l’emploi de machines virtuelles pour qu’ils puissent utiliser un applicatif de gestion hôtelière depuis leur Mac. Enfin, la solution Lync leur permet de faire de la messagerie instantanée ou de la vidéoconférence depuis leur appareil. Du côté des collaborateurs de l’école, nous utilisons déjà cette solution de communications unifiées avec Office 365, y compris pour la téléphonie.

Comment est organisé le support technique aux étudiants?

C’est l’un des projets que nous avons mené à bien ces derniers mois avec un nouvel outil de ticketing. Auparavant les étudiants s’adressaient à un guichet commun pour toutes leurs demandes. Le système était chaotique et les temps d’attente étaient longs. Nous l’avons réorganisé avec quatre guichets: un pour les travaux d’impression, deux pour des services de support rapide et un pour une assistance plus complexe sur rendez-vous. A l’arrivée au centre d’assistance, les étudiants s’identifient à une borne avec leur carte et choisissent le service dont ils ont besoin. Ils reçoivent un ticket avec leur nom et le temps d’attente estimé, qui s’affiche aussi sur des écrans à l’extérieur du centre. Grâce à ces mesures, le temps d’attente est passé de 20 minutes à moins de 3 minutes et la satisfaction des utilisateurs est passée de 3,2 à 4,2 sur 5. Pour améliorer encore l’assistance, nous aimerions installer dans un deuxième temps un petit logiciel sur les terminaux des étudiants pour remonter des informations minimales sur leur appareil et sa configuration, et pour pouvoir en prendre le contrôle à distance pour les assister. Nous avons ainsi intégré dans le support la dimension d’accueil propre à l’école.

Vous avez repris l’IT de l’EHL en 2012. Quel étaient alors les plus gros défis à relever?

Les défis étaient clairs et nombreux. Il fallait reconstruire l’informatique du point de vue de son organisation, de sa gouvernance, de sa relation avec les clients internes, de son architecture et du sourcing. L’IT était passée d’une situation où tout se faisait en interne à une situation opposée où tout a été confié à des prestataires externes. De sorte que l’IT n’était plus en mesure de répondre aux besoins des métiers. Il a donc fallu réinsourcer les éléments hors de contrôle et rebâtir des compétences. Nous avons notamment développé des chefs de projets et des analystes tant pour faire le joint entre les besoins et les solutions que pour avoir du répondant face aux prestataires.

Et au niveau de l’architecture?

A mon arrivée, l’IT était structurée autour de trois piliers: le système de gestion des études, l’ERP et le CRM. Le problème, c’est que ces piliers se sont développés chacun de leur côté donnant naissance à des silos ni totalement intégrés, ni intégrables suivant les solutions. Certains processus, comme les admissions, ont été développés sur le CRM Salesforce.com. Si bien qu’il fallait télécharger les données pour les réinjecter dans d’autres systèmes. Il a fallu casser toute cette construction à laquelle personne n’osait plus toucher, pour simplifier et automatiser les échanges. Une initiative d’architecture d’entreprise avait été initiée début 2012 que nous nous sommes attelés à mettre en œuvre. En nous appuyant sur une méthodologie développée par le MIT spécifiquement pour les hautes écoles, nous avons commencé par faire une analyse des objectifs business, des processus métiers, des applications et de l’infrastructure. Ce qui nous a permis de dresser une cartographie des processus et des applications qui les supportent. On a ensuite pu établir une feuille de route et s’attaquer à la simplification des systèmes sur la base d’une architecture SOA avec un catalogue de web services et un hub de données à même d’être réutilisées tant sur l’intranet que sur des apps mobiles. Ces mesures nous ont permis de gagner en flexibilité et en maîtrise, et de commencer à livrer des applicatifs inconcevables auparavant.

Où en êtes-vous de cette transformation?

Je dirais que 70% du travail est fait. Nous avons pu livrer 26 projets différents allant des communications unifiées au CMS. Nous avons encore passablement de travail autour de notre CRM, avant de pouvoir transférer certains processus clés vers d’autres applicatifs. Nous avons aussi travaillé au niveau de l’infrastructure avec 90% de serveurs virtualisés, un réseau révisé et de nouvelles solutions de stockage et de back-up entièrement automatisées. La gestion du parc de PC et de la distribution des applicatifs a également été modernisée. Par ailleurs, nous avons considérablement revu la manière de fonctionner de l’IT via l’automatisation de la plupart des tâches opérationnelles et l’implémentation des processus ITIL. Nous planifions aussi la création de tableaux de bord permettant de monitorer aussi bien les systèmes que l’avancement des projets.

Quels gros projets restent à réaliser?

Les gros projets à venir en 2014 concernent le monde de l’ERP, mais aussi les médias digitaux et le domaine académique. L’Ecole hôtelière va se transformer et il faut que l’organisation et les systèmes suivent ce développement. La question se pose aussi de l’intégration de notre ERP Dynamics AX avec le logiciel Micros qui gère les marchandises, les restaurants et les points de vente. Aucun lien n’existe aujourd’hui entre ces applications et le CFO doit passer par des exports et des imports de fichiers Excel. Pour les intégrer, il va falloir développer un connecteur ou remplacer Micros par une solution équivalente fonctionnant avec AX. Parallèlement, nous allons migrer de Dynamics AX 2009 vers la version 2012, ce qui nécessite une refonte complète des processus métiers. Mis à part l’ERP, nous aurons à mettre en œuvre de nouveaux sites publics et l’intranet au moyen de notre nouveau CMS. Divers projets laboratoires sont aussi prévus dans le domaine de l’apport des technologies à l’enseignement. Enfin, le fait que nous transférions des processus qui ne sont pas vraiment liés à la relation client vers d’autres applicatifs, pose la question de l’avenir de notre CRM. Nous pourrions sans doute opter pour une solution moins onéreuse. Enfin, nous voulons faire évoluer nos solutions de business intelligence. Grâce au hub de données que nous avons mis en place, nous pouvons développer une approche transversale et de vrais outils de pilotage.

Combien toute cette transformation a-t-elle coûté à l’EHL?

Il a fallu augmenter sensiblement le budget en 2013 pour investir, financer la modernisation des systèmes et engager de nouveaux collaborateurs. Notre base de coût n’a toutefois pas augmenté significativement. Et surtout, nous sommes devenus plus efficaces. Nous livrons les projets et répondons aux demandes des métiers. Notre architecture et nos processus nous permettent aussi de supporter le développement futur de l’EHL. D’ici 2020, l’école disposera d’un nouveau campus et devrait presque doubler le nombre d’étudiants. Des acquisitions d’autres écoles pourraient aussi intervenir nécessitant une IT multi-campus. Nous nous préparons pour répondre à cette croissance.

Vous avez évoqué l’importance de l’innovation. Pouvez-vous en donner des exemples?

L’innovation concerne en particulier les applications pour les étudiants et les méthodes d’enseignement. Nous testons par exemple des rétroprojecteurs permettant aux professeurs de faire des annotations sur l’image projetée et de les enregistrer. Nous avons également testé des applications tactiles sur des écrans interactifs Samsung de 1,5 mètre de diamètre. Nous sommes aussi en relation avec Apple à Cupertino. Beaucoup de grands acteurs sont intéressés à partager leurs concepts de laboratoire avec des écoles reconnues qui leur servent ensuite de vitrine. Et ils mettent leurs technologies gratuitement à notre disposition. Beaucoup de HES et des universités privées viennent aussi nous trouver pour voir ce que l’on a mis en place.

Kommentare

« Plus