Interview

Jean-Michel Texier, Viadeo: «La transformation agile impacte rapidement le reste de l’entreprise»

| Mise à jour
par Rodolphe Koller

Pour soutenir sa croissance, le réseau social professionnel Viadeo a mené à bien une vaste transformation agile. Jean-Michel Texier, CTO de la société, revient sur l'impact de ce changement.

Qu’est-ce qui a poussé Viadeo à mener à bien un projet de transformation agile?

Plusieurs éléments concomitants. Viadeo est entré dans une phase de croissance et a réalisé il y a deux ans une grosse levée de fonds de 24 millions d’euros avec plusieurs objectifs: asseoir sa croissance commerciale et son expansion internationale, notamment dans les pays émergents, mais aussi assurer une transformation technologique. Du point de vue traditionnel – architecture, plateforme – mais aussi une montée en puissance des équipes et une transformation des processus et de la méthodologie. Pour donner le contexte: nous allions connaître une phase de croissance importante, également en nombre de collaborateurs, et nous voulions davantage de flexibilité – nous avions atteint une première limite de fonctionnement. Il s’agissait donc de mettre en œuvre du développement et de l’intégration continus et de viser du déploiement continu. De passer d’une mise en production pénible une fois par mois à une mise en production hebdomadaire avec des mises à jour quotidiennes. Pour y parvenir, il fallait revoir la façon de travailler, les méthodes, développer une culture du test, donner de la place et de l’autonomie aux développeurs embauchés, revoir la gestion des produits, développer des outils de mesure. Un véritable changement de culture.

Comment est organisé le développement aujourd’hui?

Les processus ont changé du tout au tout. Nous avions un cycle très classique avec des chefs de projet, des spécifications à rallonge et des difficultés de coordination entre les responsables produit, le développement et les spécialistes UX. De sorte que les évolutions fonctionnelles ou ergonomiques importantes mettaient plusieurs mois à sortir, ce qui n’est pas acceptable pour une boîte web dont c’est le cœur de métier. Nous sommes donc passés à une méthode agile complète qui a demandé de revoir en profondeur notre organisation jadis basée sur de gros pools de ressources. Nous avons aujourd’hui des équipes d’une dizaine de personnes rassemblant responsables produit, développeurs front end et back end, spécialistes UX, et DevOps. Le changement de processus a donc impacté de facto l’organisation avec la disparition de certains postes, un modèle hiérarchique plus plat et une revalorisation de l’ingénieur.

Quel a été l’impact de cette transformation sur le reste de l’entreprise?

La transformation contamine rapidement l’entreprise. Lorsque l’ingénierie, voyant qu’elle arrive à ses limites, passe à une méthode agile, elle se heurte vite à une barrière, au niveau de la roadmap. Il s’agit de synchroniser une stratégie qui vient de la direction avec des méthodes de travail agiles et des idées qui surgissent d’en bas. Il faut convaincre les décideurs de passer à un modèle plus plat et collaboratif. Typiquement, nous organisons désormais chaque trimestre un workshop qui réunit tant la direction que les équipes produit, le développement, le marketing et la vente pour décider de la roadmap à court terme. Les équipes produit jouissent ensuite d’une grande autonomie pour mettre en œuvre les changements sur la période. Grâce aux échanges hebdomadaires avec les autres fonctions, nos ingénieurs comprennent aussi mieux le business model de l’entreprise et pas seulement l’aspect fonctionnel du produit. C’est un changement de perspective avec un processus de décision plus collaboratif et une orientation de toute l’entreprise vers le produit et l’utilisateur.

Quels ont été les principaux défis de cette vaste transformation?

Le principal challenge concerne l’humain et la résistance au changement – et les choses ne sont pas aisées, pour être franc. Lorsque l’on remet le produit au centre et que l’on passe à un modèle plus collaboratif, chacun doit lâcher un peu. Dans les départements techniques qui étaient très segmentés, certains collaborateurs ont eu peur de ne plus être utiles et n’ont pas su ou pu prendre le tournant de l’agilité et de la modernité. La difficulté a été très marquée au niveau de middle management avec le départ volontaire ou organisé de cadres, qui n’ont pas accepté de voir leur pouvoir et leur sphère d’influence remis en cause. A l’inverse, le changement a permis l’épanouissement d’un grand nombre d’ingénieurs qui se sont retrouvés d’un seul coup émancipés. Cela nous a amené aussi une grande valeur: notre capacité nouvelle d’engager des collaborateurs compétents et ayant l’attitude souhaitée, qu’il nous aurait été impossible d’embaucher précédemment, faute d’une proposition de carrière et d’épanouissement qui leur convienne.

Quelles nouvelles demandes sont venues du marketing?

Une évolution parallèle, c’est la montée en puissance du département marketing et de son emploi d’indicateurs et d’études quantitatives et qualitatives des utilisateurs. Nous avons notamment développé toute une stratégie d’A/B testing qui nous permet de prendre des décisions basées sur la métrique. Par exemple, pour comprendre la série d’évènements qui incite l’utilisateur à prendre un abonnement. Idem pour l’analyse de la perte de souscriptions et du risque de non-renouvellement, avec pour résultante des campagnes d’e-mail beaucoup plus ciblées. Nous avons également analysé les usages mobiles pour voir s’ils cannibalisaient l’utilisation classique de notre offre – ce qui n’est pas le cas, le mobile étant privilégié pour d’autres services et surtout d’autres moments d’utilisation.

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