Patrick Comboeuf, CFF: «J’utilise Twitter comme canal de communication officiel au sein de mon département»

| Mise à jour
par Interview: René Mosbacher

Les CFF et leur «Gare en ligne», développée en collaboration avec Unic, Namics et Maxomedia, ont conquis le titre de Master of Swiss Web 2012. Notre rédaction alémanique s’est entretenue avec Patrick Comboeuf, responsable e-business au sein des CFF, sur le plaisir de provoquer, les services des réseaux sociaux officieux et les tweets dans l’entreprise.

Patrick Comboeuf, responsable e-business au sein des CFF
Patrick Comboeuf, responsable e-business au sein des CFF

Avez-vous été étonné que votre site cff.ch remporte le titre de Master of Swiss Web?

Sincèrement, oui. Une fois que l’on figure sur une shortlist, les chances existent. Mais d’autres très beaux projets novateurs avaient également été préselectionnés. De plus, les CFF ne sont pas (encore) la marque la plus sexy du marché. Je suis heureux que la qualité de ce projet ait été reconnue. Même s’il ne s’agit que d’un instantané, je peux dire aujourd’hui que nous avons fait les bons choix. Nous considérons ce prix comme un encouragement à poursuivre nos efforts d’amélioration. Les critiques constructives du jury et des utilisateurs démontrent que nous avons encore du chemin à parcourir.

A qui d’autre auriez-vous attribué ce prix?

En réalité, à chacun des cinq projets du top 5, avec une légère préférence pour Suisse Tourisme, un organisme avec lequel j’ai déjà eu l’occasion de collaborer. En tant que zurichois, j’éprouve aussi une certaine sympathie pour le projet 360° Langstrasse. Et même si je ne fais pas partie du public cible de Joiz, je n’aurais pas été fâché s’ils nous avaient volé la vedette.

Ce prix est-il reconnu en interne au sein des CFF?

Une coïncidence a fait que la télévision suisse alémanique a diffusé un reportage sur la journée des cadres des CFF le soir de la remise des trophées. J’y fais une brève apparition. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai été plus souvent interpellé au sujet de ce reportage qu’au sujet du titre de Master. Cela démontre que nous devons trouver le moyen de nous faire mieux connaître en interne.

Ce trophée vous aide-t-il en interne?

Certains cadres dirigeants des CFF ont beaucoup d’affinités avec le web, dont notre CIO et notre cheffe du personnel. Ces personnes se sont beaucoup réjouies de ce trophée et ont fait en sorte que la nouvelle circule en interne. Je suis curieux de voir les réactions que cela déclenchera à moyen terme, notamment par rapport à la volonté de la direction de se recentrer sur les clients. Nous bénéficierons peut-être d’une plus grande latitude pour expérimenter ceci ou cela sans que je ne devienne immédiatement head-off  (responsable décapité) e-business. Dans tous les cas, nous aborderons la résistance à nos propositions de manière un peu plus décontractée.

Comment gère-t-on la collaboration avec trois prestataires externes dans un projet de cette ampleur?

Nous avons travaillé avec ces trois agences de manière séquentielle, sauf sur la toute fin du projet. Nous avons élaboré la conception et le design avec Unic, cela nous a pris une année. Durant cette période, l’architecture de la plateforme et la gestion du changement pour les 25 sites qui allaient être regroupés ont été mis au point. Il faut se rendre compte que chaque site avait des propriétaires qui devaient s’en détacher. Pour la réalisation, nous avons dû passer par un nouvel appel d’offres pour des raisons légales, et Namics a obtenu le mandat. Enfin, nous avons collaboré avec Maxomedia pour les phases de commercialisation et de marketing. On peut effectivement se poser la question de savoir s’il n’aurait pas été plus simple de ne travailler qu’avec un seul partenaire. Toutefois, ces changements ont également eu un effet positif en cela qu’ils nous ont permis d’obtenir un regard neuf sur le projet et de trouver de nouvelles solutions.

Comment se sent-on de manière générale en tant que responsable e-business dans une grande régie publique?

Je peux en tout cas dire une chose: ma tâche est l’une des plus intéressantes qui m’aient été confiées. Il faut savoir provoquer, mais aussi arrondir les angles. Il faut avoir la peau dure pour tenir les rivalités à distance. Il est clair que pour une entreprise traditionnelle comme les CFF, gérer un groupe comme le nôtre ne va pas de soi. Cela vaut également pour l’IT: dans l’e-business, nous pouvons nous contenter de solutions fonctionnelles à 80%, mais un programmeur qui fabrique un boîtier de signalisation ne peut aucun cas s’en contenter. Ces différences culturelles ne me facilitent pas la tâche. Je suis néanmoins convaincu qu’une régie de la taille des CFF a besoin de forces perturbatrices qui se relèvent à chaque fois qu’elles se heurtent à un obstacle. Afin de favoriser une meilleure compréhension de notre travail, nous organisons quatre fois par année des réunions de transfert de connaissances. Nous y invitons également des conférenciers externes et présentons les thèmes sur lesquels nous travaillons. Au bout du compte, il nous appartient de promouvoir en interne les valeurs créées par l’e-business, ce que nous avons souvent bien plus de mal à faire que vis-à-vis de nos clients externes.

Comment la clientèle a-t-elle réagi au nouveau site des CFF?

Nous avons été étonnés du nombre d’échos positifs que nous avons reçus. Beaucoup nous ont félicités pour notre courage à défendre nos acquis tout en les développant. Certains experts critiquent notre coverflow ou nos megadropdowns. Au bout du compte, tout le monde a raison et nous prenons tout le monde au sérieux.

L’app mise au point par les CFF est également très populaire. Combien de versions différentes de cette app gérez-vous?

Nous avons une app native pour les systèmes iOS, Android et Windows Phone 7. Il existe pour chaque OS une version B2C et une version B2B.

Et ces versions fonctionnent sur tous les terminaux et avec toutes les différentes versions des systèmes d’exploitation?

Nous avons actuellement encore des problèmes avec la version 4 d’Android. Mais nous réglons rapidement les bugs. Concernant iOS et Windows Phone, nous n’avons que peu de problèmes. Nous allons en revanche abandonner notre version Java dans le courant de l’année. En effet, un billet qui y est vendu coûte plus qu’il ne rapporte.

Combien d’utilisateurs avez-vous pour cette version Java?

Elle a été téléchargée 80 000 fois. Je ne peux en revanche pas vous dire combien de personnes l’utilisent encore, mais nettement moins que 80 000 dans tous les cas. La majorité de ces apps étaient probablement installées sur des Blackberry. Mais ceux-ci ont perdu beaucoup de leur popularité. De plus, comme nous a confié un jour un collaborateur de RIM: le propriétaire type d’un Blackberry se déplace plus facilement en BMW qu’en RER, ce qui explique également le peu de chiffre d’affaires que génère notre app Java.

Allez-vous poursuivre le développement d’apps natives où envisagez-vous également le déploiement d’apps web et HTML5?

Depuis l’introduction de notre nouveau site web, nous avons enregistré une croissance de notre trafic de 25%, dont une grande partie depuis des terminaux mobiles. Toutefois, un projet pilote en HTML5 nous a permis de constater que les apps natives offrent encore un confort bien supérieur pour l’achat de billets, le fullfilment et le contrôle. Notre app ayant déjà été téléchargée par deux millions d’utilisateurs, nous entendons la conserver. De plus, les apps natives offrent bien plus de possibilités concernant l’intégration avec les médias sociaux et le NFC. Je n’exclus pas de renoncer un jour aux apps natives, mais pas dans l’immédiat.

Quelle est la proportion des ventes effectuées par voie électronique au sein des CFF?

Nous vendons environ deux tiers de nos billets par le biais de nos automates. Le tiers restant est réparti entre la vente en ligne et les guichets.

Et qu’en est-il de la relation entre les ventes en ligne et les ventes mobiles?

Les ventes mobiles ont atteint le niveau des ventes en ligne au mois d’octobre dernier. Actuellement, environ 52% des ventes électroniques sont des billets mobiles. En termes de chiffre d’affaires, les billets en ligne représentent néanmoins encore 55%, ce qui est logique puisque les utilisateurs acquièrent volontiers des billets internationaux via leur PC, alors que le mobile est utilisé avant tout pour des trajets de courte distance. Globalement, ces deux canaux connaissent une croissance supérieure à la moyenne.

Il y a quelques années, des tests avaient été effectués pour vendre les billets en temps réel. Ces essais sont-ils encore en cours?

Le projet s’appelait EasyRide et a été interrompu il y a 12 ans pour des raisons de coût. Aujourd’hui, cette vision est néanmoins devenue plus réaliste. En effet, la technologie a beaucoup évolué, ce qui permettrait de développer une telle plateforme pour un coût plus raisonnable. Il devient dès lors envisageable que tout utilisateur muni d’une puce, par exemple intégrée dans une carte, puisse monter dans un tram, un bus ou un train sans acheter de billet. Les trajets seraient facturés aux clients à posteriori. Toutefois, la problématique centrale reste de préserver les acquis historiques de notre système tarifaire ainsi que l’intégration des différentes communautés de transports, ce qui requiert de longs processus de consultation et de consensus. En cas de succès toutefois, cela pourrait ouvrir la voie à un système d’e-ticketing avantageux aussi bien pour les usagers que pour les entreprises de transports publics.

Une réunion sur l’open data dans le domaine de la mobilité s’est tenue récemment. Quelle est la position des CFF sur ce sujet?

Sur le plan personnel, je suis fervent de cette initiative. Nous avons envoyé deux représentants à cette réunion. Au plan macroéconomique, la mise à disposition publique de données fait sens. D’un autre côté il faut aussi prendre en considération le fait que les CFF valorisent également ces données brutes. Cela a certes un coût, mais permet également de générer des revenus – directs ou indirects. Mettre ces données à la disposition du public a donc des conséquences que nous devons évaluer avec soin. Notre situation est similaire à celle de MétéoSuisse. A priori, nous pourrions plutôt nous imaginer fournir ces données à des partenaires qui les exploiteraient à des fins que nous ne souhaitons ou ne pouvons pas poursuivre nous-mêmes. Cela pourrait donner lieu à des nouveaux services et à des opportunités d’affaires intéressantes. En tant qu’e-business, nous soutenons ce type de solutions. Toutefois, certains départements au sein des CFF sont plus réticents, ce qui signifie que nous devons en premier lieu discuter de tout cela au niveau interne.

Pour conclure, parlons des réseaux sociaux. Les CFF y ont externalisé la plupart de leurs activités à des bénévoles?

Vous faites allusion au service d’information @railservice disponible sur Twitter. Il s’agit effectivement d’un cas intéressant, le service ayant été lancé par un groupe de volontaires bénévoles. Ce service est très apprécié et s’est beaucoup développé. Nous recevons souvent des éloges à son propos car de nombreuses personnes ne savent pas qu’il ne s’agit pas d’un service officiel des CFF. Mon engagement personnel consiste à aider ce groupe dans la mesure du possible. Toutefois, si le volume de demandes continue d’augmenter, le moment arrivera où des bénévoles ne parviendront plus à maintenir le niveau de service actuel. Nous aborderons le sujet avec les responsables de @railservice en temps voulu. En parlant de ce service, nous allons donner le portable Acer gagné en tant que Master of Swiss Web à @railservice. Ils pourront peut-être en faire quelque chose d’intéressant. Dans le créneau du social commerce, nous effectuons des essais pilotes avec des billets bon marché. Nous disposons ainsi d’une plateforme sur Facebook qui a presque 30 000 fans. Il s’agit là d’une des rares pages officielles des CFF. Nous prévoyons toutefois d’augmenter notre présence officielle sur ce réseau, car les usagers s’attendent à ce que les pages qui mentionnent les CFF proviennent également des CFF. D’un autre côté, la situation actuelle est plaisante: rares sont les entreprises étatiques de transports publics à disposer d’une telle communauté de fans.

Au niveau personnel, comment utilisez-vous les réseaux sociaux?

J’utilise Twitter comme canal de communication officiel au sein de mon département. L’expérience est intéressante. Parvenir à transmettre une information importante en 140 caractères nécessite souvent pas mal de réflexion. Mais depuis que j’ai introduit Twitter, mes collaborateurs ne se plaignent en règle générale plus d’un manque d’information.

Cela signifie que vous utilisez avant tout Twitter à des fins professionnelles?

J’utilise beaucoup mon compte personnel pour le travail. Et pour que les choses soient dites: mon pseudonyme @thegooroo vient de mon nom de scout, qui était Kangaroo. Mais puisque ce nom était déjà utilisé, je suis devenu thegooroo.

Tags

Kommentare

« Plus