Avis d’experte

La donnée au cœur de la transformation de l’entreprise

par Assia Garbinato, Vaudoise Assurances

La donnée à l’état brut a peu de valeur sans un processus de transformation qui la fait passer de simple data à smart data. Le plein potentiel est atteint quand cette smart data est utilisée pour repenser les processus existants ou mieux encore pour en définir de nouveaux. Une contribution d’Assia Garbinato, Head of Data & Information Management chez Vaudoise Assurances.

Auteure de l'article, Assia Garbinato est Head of Data & Information Management chez Vaudoise Assurances. (Source: Vaudoise Assurances)
Auteure de l'article, Assia Garbinato est Head of Data & Information Management chez Vaudoise Assurances. (Source: Vaudoise Assurances)

Nous assistons de nos jours à deux accélérations technologiques parallèles: une explosion de la quantité de données produites et une augmentation spectaculaire de notre capacité à les stocker et à les traiter.

Depuis quelques années, nous sommes témoins d’une multiplication des sources de données issues des réseaux sociaux, des objets connectés (smartphones, montres connectées), des capteurs télématiques, des systèmes domotiques, des données météo, des données clients, des données patients, des données de monitoring des processus métier, des données de monitoring des machines de production, etc.

Parallèlement, la puissance de calcul et la capacité de stockage à notre disposition ont connu une croissance fulgurante. Exemple emblématique, un iPhone 4 est plus puissant que l’ordinateur utilisé pour l’alunissage d’Apollo 11. Cette augmentation de notre capacité à transformer les données en connaissances utiles pour l’entreprise est rendue possible par la combinaison d’algorithmes déterministes traditionnels avec des algorithmes non-déterministes basés sur l’apprentissage automatique (machine learning). Ces derniers ont bénéficié, outre des techniques mathématiques présentes depuis les années 50, d’avancées majeures faites ces dernières années dans le domaine du deep learning et du reinforcement-learning. En effet, le deeplearning et le reinforcement-learning repoussent les limites des problèmes que nous arrivons difficilement à décrire avec des modèles mathématiques classiques, voire pas du tout. C’est ainsi que la reconnaissance d’images a connu un réel essor grâce aux réseaux de neurones convolutifs qui tirent bénéfice des nouvelles capacités des ordinateurs.

La transformation en quatre questions

La combinaison de l’abondance des données et de la capacité à les traiter fait prendre tout son sens à la métaphore «la data est le nouveau pétrole». Tout comme le pétrole, la donnée doit être raffinée afin d’être utile. Et, comme décrit précédemment, c’est l’accessibilité à ce processus de raffinement qui rend possible aujourd’hui des applications métier inconcevables il y a encore quelques années. La donnée devient ainsi une force motrice essentielle à la transformation numérique, puisqu’elle constitue le carburant qui alimente les nouveaux processus métier et les nouveaux modèles d’affaires.

Plus précisément, une stratégie de transformation d’entreprise doit se construire autour des quatre questions structurantes suivantes: Qui sont nos clients? Quels sont nos produits? Quels sont nos processus? Quels sont nos moyens de distribution? Il est intéressant d’observer que ces questions sont toutes traversées, d’une manière ou d’une autres, à un moment ou à un autre, par les grandes tendances que l’intelligence artficielle (IA) fait émerger. Dans ce qui suit, nous citerons quelques grandes tendances.

L’internet of Things (IoT) deviendra «The Internet of Everything». Les objets connectés gagnent de plus en plus de terrain. Nous sommes loin du phénomène gadget. Il n’y a qu’à voir le potentiel qui se cache derrière l’IoT pour la santé digitale. De réels espoirs sont fondés sur les objets connectés pour mettre en place, par exemple, un premier support d’assistance médicale virtuelle permettant de décongestionner les urgences et de disposer d’informations plus complètes lors de la prise en charge des patients. Par ailleurs, afin de fournir leurs services, les capteurs IoT livrent en permanence des données. Ces dernières, mises en relation avec d’autres, permettent d’appréhender des comportements et des causalités nouvelles. Cette mise en lien va ainsi pouvoir aider à développer de nouveaux produits. Autrement dit, les données IoT fournissent un terreau fertile pour construire des écosystèmes. Nous sommes là au cœur de la question: quels sont nos produits et nos processus?

L’IA est la nouvelle interface utilisateur. Le consommateur de demain sera habitué à des processus de scoring qui lui apporteront la bonne information au bon moment. Notre montre connectée fera l’évaluation de notre état de santé et nous proposera proactivement de réserver un court de tennis ou un rendez-vous chez le médecin. Nous sommes au cœur de la question: qui est mon client et quel produit lui offrir à quel moment?

Il est trop tard pour le temps réel. Le potentiel d’apprentissage de l’IA nous permet de plus en plus d’apprendre pour mieux prédire. Ce qui ouvre de nouvelles perspectives et permet d’anticiper par exemple des diagnostics, des charges d’appels vers un call center ou des évolutions de portefeuilles. Nous passons de la proactivité à la prédiction et de la prédiction à la prescription. Nous sommes au cœur de la question: quel est mon produit, comment le distribuer?

Réduire les frictions dans les processus. L’expérience client est au centre de toutes les préoccupations. La satisfaction d’un client est dépendante de la fluidité avec laquelle ses demandes sont traitées. Éliminer tous les points de friction ou de latence dans un processus métier en automatisant et en s’appuyant sur de l’IA est un vrai facteur d’optimisation. Ceci sans compter qu’en fluidifiant les processus, nous augmentons la satisfaction client tout en réduisant les coûts du processus. Nous sommes au cœur de la question: quels sont mes processus?

Le sens et le potentiel d’aller vers une entreprise data- driven sont clairement perceptibles. Il reste toutefois l’épineuse question du comment y aller? Par quoi commencer? Dans ce qui suit quelques pistes sont proposées.

Maîtriser les données. Les objets métiers indispensables et transverses doivent être documentés et cartographiés. La qualité des apprentissages sera dépendante de la qualité de la donnée. Par conséquent, la qualité de la donnée doit faire l’objet d’une attention particulière. L’accès à la donnée doit être garanti tout en respectant la protection et la sécurité de cette dernière. En d’autres termes, il faut mettre en place une gouvernance de la donnée pragmatique au service de la transformation.

Créer de la valeur à partir des données. L’accès à la donnée doit être facilité afin de permettre les expérimentations. Ainsi les capacités de stockage et de traitement doivent être adaptées pour adresser correctement les problématiques data. Il est important de prendre conscience de l’émergence de nouveaux rôles dans ce domaine tels que data analysts, data manager, data engineer, data miner, data scientist, data architect, web tracker, data officer. Toutefois, tout ceci doit rester au service d’une valeur métier et les travaux doivent être menés en étroite collaboration avec le métier. D’où la nécessité de travailler en mode immersion: accueillir des équipes métier le temps d’un projet dans des centres d’excellence Data et travailler en mode Agile avec eux. Ce modèle porte le nom de Data Factory.

Last but not least, l’acculturation des entreprises. Il est illusoire de penser qu’une telle transformation peut se faire sans un changement de culture au sein de l’entreprise. La culture data est nouvelle, elle nous fait prendre des risques nouveaux. Ces prises de risque doivent être accompagnées pour une gestion adéquate. La culture du test & learn doit être bien comprise sinon les équipes deviennent frileuses. Par ailleurs, la réalité financière des entreprises ne peut pas être ignorée, d’où l’importance de soutenir la démarche avec une culture de design thinking basée sur des boucles de feedback très courtes pour éviter les expériences ruinantes. De plus, les facteurs humain et éthique ne peuvent pas être ignorés sans quoi les collaborateurs se braquent, ne coopèrent plus ou pire ne perçoivent pas le potentiel de transformation qui s’offre à eux. Cet axe doit être adressé en créant des évènements autour de la data de type Data Day, qui font intervenir des experts et qui permettent le débat. Enfin et surtout, il faut permettre aux collaborateurs de se former sur ces nouveaux domaines.

En conclusion, l’entreprise data-driven est là à notre porte, elle offre une belle occasion de se réinventer ce qui est une chance si cette transformation est menée avec curiosité, ambition et humilité.

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