Editorial

Qui pour collaborer avec les machines?

Rodolphe Koller, rédacteur en chef, ICTjournal. (Source: Netzmedien)
Rodolphe Koller, rédacteur en chef, ICTjournal. (Source: Netzmedien)

Réticents à l’idée de devenir les passagers de voitures entièrement autonomes, une majorité de Suisses voit cependant d’un œil positif les systèmes d’assistance à la conduite qui équipent de plus en plus de véhicules. Principaux bénéfices: moins d’accidents, moins d’embouteillages, moins d’énergie gaspillée. Mais la conduite assistée suscite aussi des interrogations: en cas d’urgence, les conducteurs distraits réagiront-ils à temps? Manqueront-ils de pratique en n’étant sollicités que dans des situations inhabituelles? La technologie est-elle exempte d’erreurs?

Lors de l’arrivée des GPS beaucoup s’inquiétaient déjà de ses effets nocifs sur notre capacité à nous orienter de manière autonome. Ces craintes sont fondées. Les scientifiques appellent cette problématique «le paradoxe des systèmes presque totalement sûrs». Le problème cognitif serait notamment à l’origine du crash du vol Air France reliant Rio à Paris en 2009. Des pilotes formés sur des simulateurs, passant le plus clair des vols en pilotage automatique, sommés tout à coup d’intervenir dans une situation d’urgence, avec des systèmes électroniques leur renvoyant des informations inexactes.

Un phénomène similaire est à l’œuvre dans les centres de service à la clientèle. Les clients recourant toujours davantage à des informations en ligne - et bientôt à des chatbots - pour résoudre leurs problèmes, ils ne s’adressent aux centres d’appel que dans des situations complexes. Les agents doivent donc de plus en plus répondre à des demandes sortant de l’ordinaire, avec des utilisateurs impatients au bout du fil. Une évolution qui modifie le profil des agents les plus performants. Comme dans un cockpit, on attend d’eux qu’ils prennent les commandes et qu’ils décident rapidement de la meilleure solution, et non plus qu’ils fassent preuve d’empathie et suivent à la lettre les scénarii établis.

Alors que beaucoup prédisent un futur où l’humain collaborera avec l’intelligence artificielle, plusieurs questions se posent sur le caractère et la formation de ces travailleurs d’un nouveau genre.

Ces évolutions concernent bientôt tous les domaines. Du diagnostic médical au conseil bancaire, en passant par la gestion d’une chaîne de production, les systèmes intelligents vont se répandre pour assister ou se substituer aux professionnels. Alors que beaucoup prédisent un futur où l’humain collaborera avec l’intelligence artificielle, plusieurs questions se posent sur le caractère et la formation de ces travailleurs d’un nouveau genre. Comment former des professionnels à même de prendre le relais lorsque les systèmes intelligents faillissent? Comment développer leur jugement et leur capacité d’agir vite et juste en l’absence d’expérience pratique? Quelle connaissance ces experts doivent-ils avoir des systèmes intelligents qui les assistent? Il est crucial de se pencher sur ces questions, car le monde et l’entreprise ne sauraient se limiter à des assistés incompétents d’un côté et des ingénieurs en intelligence artificielle de l’autre.

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