Secteur inquiet

Les professionnels sur Airbnb tracassent l’hôtellerie suisse

| Mise à jour

Alors que les professionnels passent toujours plus par Airbnb, l’industrie du tourisme helvétique estime nécessaire de repenser la régulation du secteur.

Sur Airbnb, 5% des hôtes en Suisse peuvent être considérés comme des loueurs professionnels.
Sur Airbnb, 5% des hôtes en Suisse peuvent être considérés comme des loueurs professionnels.

Le modèle de ladite économie du partage a inspiré des start-up dont le vif succès  bouleverse plus d’un secteur de l’économie. Le dernier Tourism professional Meeting, organisé à Sierre en décembre, donnait l’occasion de connaître la position des acteurs de l’industrie touristique helvétique, touchée de plein fouet par le phénomène. Pour avoir une idée plus précise de l’impact d’Airbnb dans notre pays, la HES-SO Valais a analysé son offre en Suisse de la plateforme de location d’hébergements (état à fin octobre 2015). Sa forte croissance se confirme.

Airbnb représente un quart de l’offre de lits en Valais

Depuis octobre 2014, le nombre d’objets proposés en location sur Airbnb en Suisse a plus que doublé (passant de 6’033 à 12'937), alors que le nombre de lits a augmenté d’environ 60% (de 20’841 à 33'374). La majorité de l’offre de logements se concentre dans sept cantons: les principales aires urbaines et destinations de vacances. Zurich regroupe le plus d’objets mis en location. Suivent le Valais, Genève, Vaud, Berne, Bâle‐Ville et les Grisons. Les régions de villégiature se placent en revanche en tête en nombre de lits listés, avec le Valais nettement devant les Grisons (respectivement 8'193 et 3'967 lits). Si l’offre sur Airbnb reste en deçà de celle de l’hôtellerie classique, elle se profile comme une réelle concurrence, selon les auteurs. Ses parts de marché (en lits) étant en effet non négligeables, spécialement dans le canton de Bâle-Ville (31% des parts) ainsi qu’en Valais (25%). En moyenne nationale, le ratio est passé de 8% à 13% ces douze derniers mois.

20% des logements sont gérés par des professionnels

L’étude sur l’offre Airbnb en Suisse a en outre passé à la loupe un phénomène qui préoccupe particulièrement l‘industrie hôtelière: la professionnalisation des comptes inscrits en tant qu’hôtes. Environ deux tiers des logements proposés sont administrés par des particuliers. Mais 498 loueurs, soit 5% des hôtes, proposent plus de deux objets et sont ainsi considérés par les auteurs de l’étude comme des loueurs professionnels. Au total, ces «super hosts» gèrent 2’530 objets, soit près de 20% de l’offre. Derrière ces profils se cache entre autres une nouvelle catégorie d’entrepreneurs. A l’instar d’une hôte Airbnb qui s’occupe de pas moins de 500 chambres dans 105 appartements. «Le plus grand hôtel de Suisse», a ironisé Thomas Allemann (lire interview) membre de la direction de l’association faîtière hotelleriesuisse. Et le responsable de s’interroger si cette forme de location commerciale peut encore être qualifiée de partage… L’étude de la HES-SO Valais a également identifié un certain nombre d’agences traditionnelles parmi les hôtes. En outre, certains exploitants hôteliers n’hésitent plus à exploiter Airbnb, notent les auteurs de l’étude. Pour qui le modèle originel d’économie du partage se trouve dès lors en passe d’être dévoyé par les professionnels de la location, Airbnb se muant en nouveau canal de distribution.

Une forme de concurrence déloyale pointée du doigt

L’apparition d’un nombre croissant de professionnels sur ces plateformes nécessite de repenser la régulation du tourisme, juge hotelleriesuisse. Le vide réglementaire autour de ces services numériques pose entre autres des risques au niveau de la protection et de la sécurité des consommateurs. Il existe une forme de concurrence déloyale, les hôtels classiques étant soumis à différentes obligations, de nature fiscale, mais aussi en matière d’hygiène, d’immatriculation des loueurs et de protection des droits des salariés. L’association se défend d’être contre ce nouveau type de concurrence, mais explique qu’elle souhaite exercer sur un terrain équitable. Doit-on en conséquence renforcer la règlementation et contraindre les disrupteurs à s’y plier? Ou au contraire, déréguler l’ensemble du secteur touristique? Si hotelleriesuisse n’écarte a priori aucune piste, la position d’un représentant de l’économie numérique est tout à fait claire. Membre du board et ex-directeur du portail en ligne de location Homeaway, Simon Lehmann estime inutile de serrer la vis: «Le marché va s’autoréguler. Ce qui compte est d’offrir des services de qualité, adaptés à la demande des consommateurs actuels.»

Nouvelle forme de concurrence dopée au digital, Airbnb, Homeaway HouseTrip & co. n’épargnent pas le secteur de l’hôtellerie Le phénomène suscite des débats comparables aux polémiques qui entourent le service Uber, lequel creuse un fossé entre, d’un côté, les défenseurs d’une innovation qui secoue des industries assoupies et de l’autre, des pourfendeurs de business qu’ils perçoivent comme abusant du flou juridique ambiant.

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