Top 100: interview

«Les entreprises ont beaucoup d’a priori sur les pays où se développer»

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Pour Sylvain Jaccard, responsable romand de Switzerland Global Enterprise (anciennement OSEC), les résultats de l’enquête sur l’export réalisée dans le cadre du top 100 reflètent les inquiétudes et projets des entreprises qui viennent lui demander conseil en matière d’exportation.

Sylvain Jaccard, responsable romand de Switzerland Global Enterprise, recommande aux entreprises de prospecter de nouveaux pays. (Quelle: Switzerland Global Enterprise )
Sylvain Jaccard, responsable romand de Switzerland Global Enterprise, recommande aux entreprises de prospecter de nouveaux pays. (Quelle: Switzerland Global Enterprise )

Sur 200 sociétés IT suisses, trois quarts exportent aujourd’hui, ou projettent d’exporter, cela vous surprend?

Ce chiffre est impressionnant. Tous secteurs confondus, on gagne un franc sur deux à l’étranger. On sait que la PME doit souvent aller chercher des débouchés à l’étranger, vu la petitesse du marché suisse.

Les entreprises exportent principalement vers l’UE, où l’économie n’est pas au beau fixe. Y a-t-il d’autres marchés plus propices pour le secteur ICT?

La proportion d’exportation des entreprises ICT vers l’UE est considérable, alors qu’on est dans un domaine moins tangible que l’industrie des machines, et que l’espace géographique devrait avoir moins d’importance. Quant à la situation économique, nous avons un effet retard. Il faut quelques années avant que le marché ne réagisse. Des investissements ont été effectués dans ces marchés, on ne peut pas s’en retirer du jour au lendemain. L’entrepreneur a entendu «C’est passager» puis «Il faut aller voir ailleurs». Et il doit prendre la décision de retirer ses investissements ou non. Depuis trois ans, nous leur recommandons de profiter de cette situation pour s’intéresser également à d’autres marchés, par exemple l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud, ou l’Europe de l’Est. Dans des pays qui mettent en place la législation européenne, mais qui sont hors zone Euro. Par ailleurs, nous venons de signer un accord de libre-échange avec la Chine. En quatre ans, nous y avons doublé nos exportations, ce qui est énorme. On arrive à présent à 4,5% du total des exportations, même si l’on est loin des 60% vers l’Europe.

Est-ce que l’on va vers moins de dépendance face à l’UE, ou est-ce juste une tendance momentanée et que les exportations vont reprendre?

Personne n’est capable de dire ce qui va se passer dans dix ans. Les parts du gâteau se répartissent d’une région à l’autre. L’Asie en prend plus, l’Europe diminue. On espère toujours un retour en force de l’économie européenne. Mais cela va-t-il signifier que la masse économique transférée en Asie va revenir, ou que l’on aura créé de la richesse durant cette période? Quoi qu’il en soit, cette période de crise force les entreprises à améliorer leurs processus de production.

Est-il plus facile pour les sociétés ICT romandes de s’installer en Suisse allemande qu’en France?

Ces deux marchés sont très différents. Nous recommandons aux entreprises de faire leurs armes en Suisse, car on reste dans un environnement législatif et commercial connu. Les investissements sont moindres. Mais le marché suisse alémanique est un marché en tant que tel, avec les mêmes difficultés que si on allait en Allemagne. Ce n’est pas parce que Zurich est dans le même pays que ce sera plus facile. Les entreprises ont l’a priori que la France est un équivalent du marché romand, et que l’on peut y commercialiser son offre, avec quelques adaptations. Certes, on parle la même langue et on est plus proche culturellement, mais c’est loin d’être évident.

L’obstacle principal mentionné par les sociétés qui envisagent d’exporter est de trouver le bon canal de commercialisation. Qu’en pensez-vous?

Cette réponse ne me surprend pas. Quand on s’établit sur le marché international, on se demande si le modèle est adapté au pays-cible. Est-ce que j’y vais avec ma propre force de vente, est-ce que j’ouvre une filiale avec du personnel local, est-ce que je fais une joint venture? Ce processus prend du temps. Une erreur à ce niveau-là est lourde de conséquences. Il faut définir le bon canal, puis trouver les bons partenaires au sein de ce canal.

Mais visiblement, cela n’est pas un problème pour les entreprises qui exportent déjà.

Les entreprises qui exportent déjà ont l’expérience, elles peuvent rebondir d’un pays à l’autre. Mais elles sont passées par les mêmes obstacles au début. Les entreprises qui aimeraient exporter ont beaucoup d’a priori sur les pays où se développer.

Un autre obstacle mentionné est la hauteur des investissements. Combien faut-il de temps à une entreprise pour retrouver l’argent qu’elle a investi pour l’export?

Cela dépend des pays. Lorsqu’une PME se développe au Brésil, elle aura peut-être besoin de trois ou quatre ans avant de gagner son premier franc. Sur le marché japonais, cela peut prendre plus de temps pour développer la confiance des partenaires, mais ensuite, c’est pour la vie. Sur le marché américain, les choses bougent plus vite, donc on peut par exemple faire une joint venture avec des investissements faibles. Mais l’on n’entre pas sur un nouveau marché en trois mois. Cela prend des années. Même pour la France, l’Allemagne ou l’Italie.

Les obstacles identifiés dans notre sondage sont les mêmes que ceux rencontrés par les PME d’autres secteurs qui vous consultent?

Tout à fait. Mise à part l’effet conjoncturel du franc fort (même s’il dure), les autres obstacles restent les mêmes depuis des années, trouver le bon canal, les investissements, le timing... Nous aidons les entreprises sur plusieurs niveaux: le principal est de trouver les bons partenaires commerciaux et ouvrir la porte auprès d’eux pour la PME suisse. Un autre concerne le passage en douane, la certification d’un produit selon la législation du pays, la TVA, les impôts, l’administratif. Un soutien est également fourni pour la compréhension d’un accord de libre-échange. Nous leur expliquons ces accords trop méconnus qui facilitent pourtant la vie de l’entrepreneur en termes de réglementations trop tatillonnes.

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